Ouestafnews – Le Sénégal s’est insurgé contre les sanctions américaines visant quatre magistrats de la Cour pénale internationale (CPI), dont le procureur-adjoint et juge sénégalais, Mame Mandiaye Niang. Pour l’administration américaine, ces sanctions sont une réponse aux décisions de la juridiction internationale contre des soldats américains en Afghanistan et des dirigeant israéliens, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Le ministère sénégalais de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères (MIAAE) a exprimé « son étonnement » face à une décision jugée contraire aux principes fondamentaux de la justice internationale, dans un communiqué publié le 21 août 2025 et parvenu à Ouestaf News.
Dakar a invité les autorités américaines à retirer ces sanctions, les qualifiant de « grave atteinte au principe de l’indépendance de la justice et au droit des magistrats de la Cour d’exercer librement et sereinement le mandat confié par les 125 États parties au Statut de Rome ».
En tant qu’un des premiers signataires de ce texte fondateur de la CPI, le Sénégal a tenu à rappeler son engagement historique en faveur de la juridiction internationale et a affirmé sa « pleine solidarité » à M. Niang ainsi qu’aux trois autres magistrats visés, tout en réitérant son « soutien indéfectible » à la Cour afin qu’elle conserve son autorité.
Les sanctions américaines, annoncées le mercredi 20 août par le département d’État et le Trésor américain, ciblent le juge français Nicolas Guillou, la juge canadienne Kimberly Prost, la procureure adjointe fidjienne Nazhat Shameem Khan et le procureur adjoint sénégalais Mame Mandiaye Niang. Elles s’ajoutent à une série de mesures déjà prises plus tôt dans l’année contre le procureur de la CPI, Karim Khan, et quatre autres juges.
Concrètement, ces sanctions consistent en une interdiction d’entrée sur le sol américain, le gel des éventuels avoirs détenus aux États-Unis et l’interdiction de toute transaction financière avec les personnes visées.
Selon Washington, ces magistrats sont « directement impliqués » dans des procédures jugées hostiles aux intérêts américains et israéliens. Le secrétaire d’État Marco Rubio a accusé, dans un communiqué sur les réseaux sociaux, la CPI de « bafouer la souveraineté nationale » et de « favoriser la guerre juridique » en tentant d’enquêter, d’arrêter ou de poursuivre des ressortissants américains et israéliens « sans le consentement » des pays concernés.
« Nous continuerons de demander des comptes aux responsables des actions moralement dénuées de fondement juridique de la CPI contre les Américains et les Israéliens », lit-on dans la même source.
Ces actions interviennent alors que l’Accord sur les privilèges et immunités de la CPI, adopté à New York en septembre 2002, accorde aux juges, au procureur, aux procureurs adjoints et au greffier les mêmes immunités que les chefs de missions diplomatiques.
De son côté, la Cour pénale internationale a vivement dénoncé ces mesures, les qualifiant « d’attaque flagrante contre l’indépendance d’une institution judiciaire impartiale, mandatée par 125 États parties ».
Dans un communiqué, la CPI fustige des sanctions qui sont non seulement une atteinte à son indépendance, mais aussi « un affront aux États parties de la Cour, à l’ordre international fondé sur des règles et, surtout, aux millions de victimes innocentes à travers le monde ».
La CPI a réaffirmé sa détermination à poursuivre son mandat « en stricte conformité avec son cadre juridique », en dépit des « pressions ou menaces », et a appelé les États parties et tous les défenseurs du droit international à lui apporter un « soutien ferme et constant ».
Ces sanctions s’inscrivent dans un bras de fer de longue date entre Washington et la CPI. Déjà sous la première administration Trump, les États-Unis avaient sanctionné en 2020 l’ancienne procureure Fatou Bensouda et plusieurs responsables de la Cour, en raison de l’ouverture d’une enquête sur les crimes de guerre présumés commis par les forces américaines en Afghanistan.
Plus récemment, en février 2025, le procureur Karim Khan avait été visé par des mesures similaires, suivies en juin par de nouvelles sanctions contre quatre magistrats de la CPI.
La crispation s’est accentuée après que la Cour a délivré en novembre 2024 des mandats d’arrêt internationaux contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef du Hamas Ibrahim al-Masri, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés dans le conflit à Gaza.
Si la décision américaine a provoqué l’émoi sur la scène internationale, Israël l’a immédiatement saluée. Benyamin Netanyahu a remercié Donald Trump pour ce soutien qualifié d’« action décisive contre la campagne de diffamation et de mensonges visant l’État d’Israël et son armée », alors même qu’il est personnellement visé par un mandat d’arrêt de la CPI.
À l’inverse, plusieurs capitales occidentales, dont Paris, ont exprimé leur « consternation » et rappelé leur attachement au respect de l’indépendance de la Cour.
Pour Dakar, cette affaire dépasse le simple cas de Mame Mandiaye Niang. Le communiqué du MIAAE souligne que les sanctions américaines fragilisent l’ensemble du système de justice pénale internationale en remettant en cause la capacité des magistrats de la CPI à exercer leurs fonctions « sans menaces ni restrictions ».
Le Sénégal a ainsi appelé les États parties au Statut de Rome à « réaffirmer leur solidarité à la Cour » et à redoubler d’efforts pour protéger ses juges et son personnel.
Aujourd’hui, face à ce qu’il considère comme une remise en cause de l’autorité de la Cour et du droit international, Dakar réaffirme sa fidélité à l’institution et prend par la même occasion la défense de Mame Mandiaye Niang.
HD/md
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