Ouestafnews – L’Organisation internationale de police criminelle (Interpol) s’est attaquée aux cybercrimes les plus répandus sur le continent africain : rançongiciels, escroqueries en ligne, compromission de courriels professionnels et sextorsion numérique. Ces infractions avaient été identifiées comme des menaces majeures dans le Rapport 2025 sur l’évaluation des cybermenaces en Afrique.
Interpol a annoncé, le 22 août 2025, l’arrestation de 1.209 personnes dans le cadre d’une vaste opération contre la cybercriminalité menée simultanément dans plusieurs pays du continent. Selon le communiqué publié par l’organisation internationale de police criminelle, l’initiative « a réuni les enquêteurs de 18 pays africains et du Royaume-Uni pour lutter contre des cybercrimes à fort impact et à fort potentiel de nuisance ».
L’opération, baptisée Serengeti 2.0 – du nom du célèbre parc national situé en Tanzanie – s’est déroulée entre juin et août 2025 et a permis de démanteler 11.432 infrastructures malveillantes, de récupérer 97,4 millions de dollars (près de 55 milliards de F CFA) et d’identifier près de 88.000 victimes. La première opération Serengeti avait permis d’interpeller 1.006 personnes en novembre 2024.
Le parc national du Serengeti (plaines sans fin, en langue massaï), en Tanzanie, dont l’opération d’Interpol tire son nom, est un symbole de lutte contre les menaces pesant sur sa biodiversité. Ce haut lieu de la faune africaine est régulièrement victime du braconnage, qui décime éléphants, rhinocéros et grands félins pour alimenter des trafics transnationaux.
Pour l’opération Serengeti 2.0, les enquêteurs ont bénéficié en amont d’ateliers pratiques organisés par Interpol et ses partenaires privés. Selon Interpol, ces formations portaient sur « les outils et techniques de renseignement open source, les enquêtes sur les cryptomonnaies et l’analyse des rançongiciels », renforçant ainsi les « compétences et l’expertise » techniques des unités locales.
Les cryptomonnaies sont des monnaies virtuelles décentralisées, souvent utilisées par les cybercriminels pour blanchir de l’argent en raison de l’anonymat qu’elles offrent. Quant aux rançongiciels (ou ransomwares en anglais), ce sont des logiciels malveillants capables de bloquer les données d’un appareil pour exiger le paiement d’une rançon en échange de la récupération des fichiers.
Les faits recensés lors de ce large coup de filet témoignent aussi de la diversité et de l’ingéniosité des réseaux criminels. En Angola, les autorités ont fermé 25 centres de minage de cryptomonnaies opérés par 60 ressortissants chinois.
L’opération a également permis de saisir 45 centrales électriques clandestines et du matériel informatique d’une valeur estimée à 37 millions de dollars (près de 21 milliards de F CFA), qui sera réaffecté à la distribution d’électricité dans des zones vulnérables, précise l’organisation.
En Côte d’Ivoire, la police a démantelé une fraude liée aux héritages fictifs, un type d’arnaque ancien mais toujours lucratif, selon le communiqué. « Les victimes étant incitées à payer des frais pour réclamer de faux héritages », lit-on dans le communiqué d’Iterpol.
Le principal suspect a été interpellé et de l’argent liquide, des bijoux, des véhicules et du matériel électronique ont été saisis. Le préjudice est évalué à 1,6 million de dollars (près de 900 millions de FCFA).
En dehors de l’Afrique de l’Ouest, dans un pays comme la Zambie, les enquêteurs ont démantelé une escroquerie transnationale d’investissement fictif en cryptomonnaies, qui a permis de piéger 65.000 victimes pour un montant total estimé à 300 millions de dollars (plus de 168 milliards de FCFA), selon la police internationale. Quinze personnes ont été arrêtées et les investigations se poursuivent pour identifier les complices à l’étranger.
Selon le rapport 2025 d’Interpol sur la cybercriminalité en Afrique, deux tiers des pays membres interrogés estiment que les infractions liées au numérique représentent une part moyenne à élevée de la criminalité totale. En Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est, elles atteignent même 30 % des infractions signalées.
Les escroqueries par phishing et la compromission de courriels professionnels sont les plus répandues. Le phishing est une technique de fraude où des cybercriminels se font passer pour une organisation afin d’obtenir des données confidentielles via un lien cliquable, un formulaire ou une pièce jointe.
Cette technique est suivie par les ransomwares et vient ensuite la sextorsion numérique qui est une forme de chantage dans laquelle l’auteur menace la victime de publier des images la montrant nue ou en train d’accomplir des actes sexuels.
Selon le rapport, ce type de cybercrimes progresse rapidement. 60 % des pays signalent une hausse des cas, certains utilisant désormais des images générées par intelligence artificielle pour faire chanter leurs victimes.
Les États africains font face à un déficit de moyens dans la lutte contre ces phénomènes, selon Interpol. Près de 90 % d’entre eux déclarent manquer de capacités judiciaires adaptées, 95 % de formation spécialisée et 81 % d’accès aux infrastructures de renseignement numérique.
Cette opération illustre aussi l’importance des partenariats entre institutions publiques et entreprises technologiques privées, selon Interpol. Plusieurs partenaires du secteur privé ont partagé des indicateurs techniques (adresses IP, domaines, serveurs C2 suspects) « fournissant des informations essentielles sur des menaces spécifiques », précise la même source.
Serengeti 2.0 s’inscrit dans une série d’actions coordonnées par Interpol sur le continent. En 2024, l’opération Jackal III avait mené à 300 arrestations, notamment de membres du groupe criminel transnational Black Axe.
En mars 2025, l’opération Safe Wheels avait permis de saisir plus de 75 véhicules volés en Afrique de l’Ouest. Quelques mois plus tôt, l’opération Red Card avait ciblé les fraudes bancaires et téléphoniques avec plus de 300 interpellations.
Ces coups de filet successifs démontrent l’ampleur du défi sécuritaire lié au numérique et la nécessité d’une coopération transfrontalière soutenue.
« Chaque opération coordonnée par Interpol s’appuie sur la précédente, renforçant la coopération, augmentant le partage d’informations et développant les compétences d’enquête entre les pays membres », a déclaré Valdecy Urquiza, secrétaire général d’Interpol, cité par le communiqué. Il a aussi salué « un réseau mondial plus fort que jamais » suite à l’opération.
Malgré ces succès, l’ampleur du nombre d’interpellations montre que la cybercriminalité continue de prospérer en Afrique. Pour renforcer cette lutte, Interpol recommande dans son rapport de 2025 aux États africains d’harmoniser leurs lois avec les normes internationales, de développer des unités spécialisées et d’investir dans la sensibilisation des citoyens.
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