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Déni de grossesse : ces femmes qui nient l’évidence (Fiche d’info)

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Ouestafnews – Le 28 février 2025, une scène d’une série télévisée diffusée sur YouTube a bouleversé les internautes sénégalais. Pendant quelques secondes seulement (entre la 43’14’’ et la 43’31’’ de l’épisode mentionné), l’actrice principale est confrontée à une situation inattendue : un déni de grossesse. La scène, brève mais intense, déclenche une vague de réactions sur les réseaux sociaux. Beaucoup découvrent alors un phénomène aussi méconnu qu’intrigant. Le débat est lancé : qu’est-ce que le déni de grossesse ? Que disent les médecins et les spécialistes ? Ouestaf News a tenté d’en savoir plus.

Avant de comprendre le déni de grossesse, il faut revenir à la base : la grossesse. Le site MédecinDirect, service français de téléconsultation médicale, rappelle que la grossesse débute dès qu’un spermatozoïde féconde un ovule, généralement après un rapport sexuel non protégé. L’embryon descend ensuite dans l’utérus, s’accroche à la muqueuse utérine entre trois et cinq jours plus tard, et devient alors un fœtus. Ce processus dure en moyenne 40 semaines, de la fécondation à l’accouchement, selon le site de téléconsultation médicale.

C’est lors de ce phénomène biologique apparemment limpide qu’intervient le phénomène du déni. Dans un entretien accordé à Ouestaf News, le Dr Assane Diallo, gynécologue-obstétricien à l’hôpital public pour enfants de Diamniadio, explique que « le déni de grossesse est un refus inconscient ou une non-acceptation de l’état de grossesse ». En d’autres termes, une femme peut être enceinte sans le savoir, ni physiquement ni psychologiquement.

Souvent lié à des déséquilibres hormonaux, ce phénomène altère la perception de la réalité. Il peut durer plusieurs mois, voire jusqu’au moment de l’accouchement. En consultation, cela se manifeste par un rejet des signes pourtant évidents d’une grossesse, d’après Dr Diallo.

Hélène Romano, psychothérapeute française spécialisée dans la prise en charge des blessés psychiques, a défini le déni de grossesse dans un article d’Echosciences Grenoble. Sur cette plateforme collaborative, dédiée à l’actualité de la culture scientifique, technique et industrielle, elle explique que le déni de grossesse correspond à porter la vie sans en avoir conscience, sans que le corps ne transmette les signes habituels (ventre arrondi, nausées, fatigue). Parfois, la grossesse reste invisible, même aux yeux des proches, précise-t-elle.

Au Sénégal, ce phénomène reste encore peu étudié. Le Dr Manding Albert Manga, gynécologue-obstétricien à Dakar, affirme à Ouestaf News qu’à ce jour, « il n’existe aucune étude sur le déni de grossesse au Sénégal ».

Comme dans la scène de la série, des femmes vivent également des dénis de grossesse dans la réalité. Elles voient ainsi leur vie basculer. En 2020, une Sénégalaise du nom de Khadija raconte à Dakar Actu, un média en ligne sénégalais, qu’elle était enceinte sans le savoir, alors qu’elle était mariée.

Ce déni a entraîné son divorce : accusée de tromperie par sa belle-famille, reniée par son père et considérée comme une menteuse par tout son entourage. Elle confie à Dakar Actu que « tout a commencé par des douleurs abdominales accompagnées de saignements qui ne ressemblaient en rien à une grossesse ». Elle poursuit, « ce que j’ignorais, c’est que j’étais en train d’accoucher ». Informée de la situation, Khadija s’est effondrée et est entrée dans un état de choc extrême. Elle explique qu’elle a « refusé cet enfant pendant deux semaines, le fuyant autant qu’elle le pouvait ». Khadija a vécu ce qu’on appelle un déni total, puisqu’il existe deux formes de déni de grossesse : le déni total et le déni partiel.

Deux visages d’un même trouble

D’après le gynécologue-obstétricien, Dr Diallo, il existe deux grandes classifications du déni de grossesse, soit en fonction du degré de conscience ou alors en fonction du profil psychiatrique de la patiente.

Selon le degré de conscience, le gynécologue-obstétricien explique « qu’il existe deux formes de déni de grossesse ». Il y a d’une part le déni total, où la femme ignore complètement sa grossesse jusqu’à l’accouchement. Ce type de déni peut entraîner de graves conséquences pour le bébé et la santé mentale de la mère.

D’autre part, il y a le déni partiel, marqué par des prises de conscience ponctuelles suivies de phases de refus, selon Dr Diallo.

Sur le plan psychiatrique, Dr Diallo explique qu’il existe le déni psychotique et le déni non psychotique. « On peut parler de déni psychotique quand le déni s’accompagne de troubles psychiatriques », souligne le gynécologue. Parfois, certaines femmes peuvent adopter un comportement violent, allant jusqu’à blesser le fœtus in utero, précise-t-il.

À l’opposé du déni psychotique, il existe le déni non psychotique, qui ne s’accompagne pas de troubles psychiatriques. Cela concerne une femme qui, bien qu’elle n’accepte pas son état de grossesse, « reste consciente de la réalité qui l’entoure et ne présente pas de troubles mentaux », souligne Dr Diallo.

Origines multiples

Selon Dr Diallo, le déni de grossesse n’a pas de cause unique. Mais, précise-t-il, plusieurs facteurs de risque peuvent y contribuer, comme une grossesse non désirée (notamment après un viol), la consommation de drogues, des troubles psychiatriques, ou encore des conflits avec le père de l’enfant. Il ajoute que « toutes les femmes en âge de procréer peuvent être concernées ».

Le Dr Manga, de son côté, confirme avoir rencontré plusieurs cas dans son cabinet à Dakar. D’après son expérience, ce sont souvent des femmes de moins de 25 ans qui sont les plus touchées.

D’après MédecinDirect, le déni de grossesse est souvent difficile à détecter. Les signes physiques classiques peuvent être absents : pas de nausées, pas de fatigue, peu ou pas de prise de poids. Il arrive même que les règles continuent. Le ventre reste peu visible, et les mouvements du bébé peuvent être mal interprétés. Dans les cas extrêmes, la grossesse n’est découverte qu’au moment de l’accouchement, explique-t-il.

Elsan Care, un groupe d’hôpitaux privés en France, alerte sur les conséquences graves que peut entraîner un déni de grossesse s’il dure longtemps. Selon ce groupe, il peut exposer la mère à des risques médicaux non suivis, compromettre le développement du fœtus, compliquer l’accouchement et nuire au lien mère-enfant.

Au Sénégal, selon le Dr Manga, la majorité des mères finissent par accepter l’enfant, une fois le choc émotionnel dépassé. Mais le besoin de soutien reste important, avertit-il.

Elsee Care, une start-up française qui propose un système d’abonnement pour le remboursement de soins de médecine douce, spécialement conçus pour les femmes, recommande une prise en charge médicale et psychologique dès la découverte de la grossesse. Un suivi intensif est souvent nécessaire, de même qu’un accompagnement pour aider la femme à accepter sa situation. Un soutien postnatal est aussi essentiel pour prévenir les troubles émotionnels et faciliter le lien mère-enfant.

À l’opposé du déni de grossesse, il y a le désir de grossesse. Pour Rouguiyata Diaw, sage-femme au poste de santé de Petit Mbao, à Dakar, « ce souhait pousse de nombreuses femmes à consulter dans le seul but de concrétiser un projet de maternité ». Rouguiyatou Diaw explique à Ouestaf News que « ce désir, aussi appelé projet de maternité, correspond à une volonté consciente d’avoir un enfant, relevant d’un processus psychologique, émotionnel et parfois social ».

WSD/ts


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