Ouestafnews – La campagne pour le référendum constitutionnel du 21 septembre a débuté dimanche 31 août 2025 en Guinée. Elle s’ouvre dans un contexte tendu marqué par la suspension de plusieurs partis d’opposition par le ministère de l’Administration du territoire et de la Décentralisation (MATD) et par une consigne de la Haute Autorité de la communication (HAC) limitant leur accès médiatique. Les premiers jours ont déjà donné la couleur d’une campagne presqu’à sens unique : beaucoup de rassemblements en faveur du « oui » à travers le pays rapportés les médias guinéens.
Prévue pour le 21 septembre, cette élection est présentée par le gouvernement comme un moment « historique » pour un retour à l’ordre constitutionnel. Toutefois, la série de sanctions contre les principaux partis d’opposition inquiète.
Dernière en date, la suspension pour 90 jours, des activités de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo, du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) de l’ex-président Alpha Condé et du Parti pour le renouveau et le progrès (PRP). Cette décision, annoncée le 22 août 2025, interdit ces trois partis de réunions, de manifestations et de toute campagne de propagande.
Pour le chargé de communication de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du citoyen (OGDH), Alsény Sall, ces décisions sont très « préoccupantes ». Même s’il dit ne pas encore « disposer de tous les éléments qui motivent la suspension de ces partis politiques », M. Sall, indique à Ouestaf News qu’elle aura un impact direct sur la campagne du prochain référendum.
« La mesure intervient quelques jours avant l’ouverture de la campagne référendaire. Ce qui de facto exclut ces formations politiques de ce processus », analyse-t-il. Certains principaux pôles d’opposition sont ainsi privés de meetings, de mobilisation de terrain et d’accès médiatique en tant que partis. Les premiers jours de campagne rapportés par les médias guinéens montrent un certain déséquilibre.
« Réfren-drôle constitutionnel : le MATD suspend l’opposition, la HAC la muselle », titre Le Lynx, journal satirique à Conakry, dans son édition du 1er septembre 2025, évoquant « un duo pour une campagne sans duel ». L’accroche résume le climat politique qui entoure l’ouverture de la campagne du référendum constitutionnel du 21 septembre 2025.
Le politologue Moussa Samoura s’inquiète, quant à lui, du caractère « inclusif du référendum ou de la campagne ». Chef du département des droits et sciences politiques à l’Université Mahatma Gandhi, M. Samoura estime que « si les gens doivent être exclus, la raison devrait être un manquement juridique » et non selon « l’humeur des hommes ou par une décision politique ».
Par leur durée, ces suspensions couvrent de facto l’intégralité de la période de la campagne jusqu’au référendum constitutionnel du 21 septembre et s’étendent bien au-delà du scrutin.
Ces interdictions interviennent cinq mois après une première vague, le 14 mars 2025, qui avait déjà mis à l’arrêt 28 formations politiques. À trois semaines d’un vote censé aboutir a une sortie de transition, la succession de ces décisions est perçue comme une volonté manifeste de supprimer la pluralité politique dans le pays.
Alsény Sall replace aussi la décision dans un contexte institutionnel qu’il juge peu propice au consensus. « Cette suspension est intervenue dans un contexte où il n’existe aucun cadre de dialogue politique entre les autorités de la transition et les forces politiques devant prendre part au processus de retour à l’ordre Constitutionnel normal », regrette-t-il.
De leur côté, les autorités invoquent le respect des obligations légales prévues par la Charte des partis pour justifier ces suspensions. Sont visés notamment des manquements liés à l’organisation et au fonctionnement des partis.
Selon Ibrahima Kalil Condé, ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation (MATD), « 125 partis ont été reconnus en règle et trois partis suspendus pour manquement aux obligations légales et réglementaires ».
Les partis suspendus n’ont pas non plus droit à la parole dans les médias. La Haute autorité de la communication (HAC) a mis en garde les rédactions. Le président de l’institution, Boubacar Yacine Diallo a interdit aux médias « de donner la parole aux partis politiques et structures en conflit avec la loi » aux risques d’être en « infraction ».
Les intervenants issus de ces organisations suspendues ne peuvent s’exprimer que « comme des citoyens », et non « en tant que structure », explique-t-il.
De son côté, le politologue Moussa Samoura estime que la consigne de la HAC peut s’expliquer en droit, tout en appelant à la mesure. « Du point de vue juridique, on peut le comprendre », souligne-t-il.
Des organisations de la société civile dénoncent une dérive du processus. Dans une déclaration datée du 28 août 2025, le Forum des forces sociales de Guinée (FFSG) en plus d’avoir dénoncé des « actes politiques et répressifs » contre les organisations, citoyens et les médias, déplore « l’absence de fichier certifié malgré les investissements ».
Entre autres, elle cite « l’enrôlement de mineurs de 10 à 17 ans contraire à la loi, l’exclusion de certaines classes d’âge dans le système RAVEC (Recensement administratif à vocation d’État civil), des refus de recensement opposés à des leaders (dont d’anciens Premiers ministres), une distribution inégale des kits d’enrôlement pénalisant certaines zones et la diaspora ».
Il y a quelques semaines, les Forces vives de Guinée (FVG) – collectif regroupant les principaux partis d’opposition et des organisations de la société civile – avait appelé à des manifestations contre le référendum à partir du 5 septembre 2025.
Dans un message lu à la télévision nationale samedi 30 août, le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, Ibrahima Kalil Condé, a averti ceux qui « appellent à des manifestations susceptibles de compromettre la stabilité ».
« La démocratie doit être un jeu d’idées et de propositions et non un prétexte à la violence », a-t-il insisté, avant d’annoncer que « la sécurisation de ce vote référendaire est une priorité absolue ». « Police et gendarmerie agiront de concert (…) pour le bon déroulement du processus référendaire », a-t-il ajouté.
Le MATD a publié le 28 août 2025 les chiffres définitifs du fichier : 6.768 458 inscrits, 16.702 centres de vote et 23.662 bureaux de vote sur l’ensemble du territoire.
Ces chiffres sont contestés par des opposants. Dans un entretien à guinee360 (suspendu depuis le 1er septembre par la HAC), le président du Bloc libéral, Faya Millimouno, a rejeté des chiffres « biaisés » et exigé un audit indépendant.
À moins d’un report, près de 6,8 millions d’électeurs sont appelés aux urnes le 21 septembre. Le FFSG, lui, demande la suspension du processus qu’il qualifie de « mal préparé » et « préjudiciable à l’avenir du pays », rappelant que « le retour à l’ordre constitutionnel » ne doit pas se réduire à « de simples formalités ».
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