Ouestafnews – Le 9 juillet 2025, les autorités de la transition ont annoncé la résiliation de la convention de base de la GAC (Guinea Alumina Corporation). La GAC paie pour son bras de fer qui dure depuis plus d’un an, avec le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) au pouvoir. L’entreprise censée construire une raffinerie locale, selon les autorités guinéennes, n’a pas honoré cet engagement, qui, disent-elles, était prévu dans la convention signée entre les deux parties en 2004.
Présente en Guinée depuis plus d’une vingtaine d’années, la société minière Guinea Alumina Corporation, membre du groupe Emirates Global Aluminium (EGA), doit désormais plier bagage. Le groupe émirati, titulaire d’une licence d’exploitation d’une mine de bauxite de près de 700 km² de superficie dans la région de Boké, dans le nord-ouest de la Guinée, a maille à partir avec les autorités. Celles-ci, l’ayant dans leur viseur depuis 2022, ont finalement décidé de la déposséder de sa concession minière.
Le principal point de friction, la construction d’une fonderie pour transformer sur place la bauxite guinéenne en alumine. Le groupe minier conteste la décision et dit ne pas exclure pas de porter l’affaire en justice, notamment devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), afin d’obtenir gain de cause. Pour le moment, les Emiratis voudraient encore donner la chance au dialogue pour résoudre le différend à l’amiable, selon un membre de la délégation syndicale à la Guinea Alumina Corporation (GAC) qui a requis l’anonymat.
Selon cette même source, les deux parties s’étaient donné rendez-vous à Paris pour tenter de trouver une issue favorable. Mais à l’évidence, les militaires au pouvoir ont exploité, ce qu’elles qualifient de « manquements » de GAC pour la faire remplacer par une société minière nationale, Nimba Mining, dont l’Etat détient à 100 % les droits.
Retour en arrière : on est en 2004 : le ministre des Mines de l’époque, docteur Alpha Mady Soumah, représentant l’Etat guinéen et Bernard Cousineau, patron de la société émiratie, signent une convention au nom des deux parties. Le document est intitulé « Convention de base entre la République de Guinée et Guinea Alumina corporation LTD et Global Alumine ». La convention prévoit la construction et l’exploitation d’une usine d’alumine à Sangarédi, dans la région de Boké.
Dans la déclaration préliminaire de la convention, l’investisseur exprime explicitement son intention de construire, de posséder et de valoriser les domaines mis à sa disposition aux fins d’opérations de développement minier et industriel en Guinée. Cela inclut « l’extraction de la bauxite, sa transformation en alumine ». Il exprime également son intention de « concevoir, développer, financer, construire, détenir et exploiter une raffinerie d’une capacité de production d’environ 2,8 millions de tonnes par an… ».
Selon l’article 34.2.1 de la convention de base, la durée de la convention concernant la construction, la gestion et l’exploitation de la raffinerie est de 99 ans. Toutefois, la durée de la concession minière, stipulée dans l’article 34.2.2 de la même convention, est de vingt-cinq ans, renouvelable pour vingt-cinq autres années. Cette concession est prolongée de dix ans si l’investisseur montre à l’Etat, à l’issue des cinquante ans, un plan d’entretien fiable de la raffinerie.
Non-respect des délais
Dans la convention de base, aucune date n’est indiquée pour le début et la fin de la construction de la raffinerie. Il est juste mentionné que l’Etat souhaite que les « travaux commencent dans les meilleurs délais. » Mais dans un avenant signé entre les deux parties en novembre 2013, il y est clairement stipulé que les parties ont « convenu de développer le projet en trois phases. »
La première phase devait être consacrée à la réalisation et à l’actualisation des études, notamment sur le projet de raffinerie d’une capacité initiale de production de deux millions de tonnes par an, avec une capacité pouvant aller jusqu’à quatre millions de tonnes par an, conjointement à l’accroissement nécessaire de la production de bauxite. Cette phase devrait se terminer le 31 décembre 2017.
La deuxième phase était censée comprendre, entre autres, la mise en place du financement nécessaire, la conception détaillée et la construction de la raffinerie modulaire. Cette phase devait se terminer en septembre 2022.
La troisième phase donne la possibilité à l’investisseur, selon les termes de l’avenant, d’entreprendre une ou plusieurs extensions de la raffinerie pour augmenter la capacité de production à quatre millions de tonnes par an ou plus.
Mais trois ans après la fin prévue pour la troisième phase, la raffinerie n’est toujours pas construite. Cela a plus qu’irrité le CNRD, qui considère que la société minière s’est jouée de l’Etat guinéen : « GAC, conformément à la convention de base, devait développer une raffinerie ici en Guinée. Vingt ans après, rien du tout…La raffinerie qui devrait être faite en Guinée, a été construite ailleurs. C’est là-bas que notre bauxite est raffinée. Pourtant, c’est notre terre », accusait récemment Amara Camara, ministre secrétaire général de la Présidence de la République, lors d’une conférence de presse.
Contacté pour expliquer les raisons de la non-construction de la raffinerie en Guinée, Souleymane Diallo, chargé de communication du groupe Emirates Global Aluminium (EGA) renvoie au communiqué publié en août 2025 par le groupe en réponse au ministre. Dans ce document, EGA réfute toute responsabilité de Guinea Alumina Corporation (GAC). Le groupe accuse le gouvernement guinéen de l’avoir « exproprié. »
Avant EGA, GAC était déjà sortie de sa réserve pour accuser l’Etat guinéen d’être à la base du blocage : « GAC a respecté toutes ses obligations contractuelles. Le gouvernement guinéen a pris des mesures qui vont à l’encontre de ses engagements contractuels et internationaux. » Pour ce qui est de la non-construction de la raffinerie, GAC dit avoir rappelé, à plusieurs reprises, aux autorités guinéennes que la réalisation d’un tel projet dépend de la « résolution de nombreux défis économiques, techniques et environnementaux majeurs. »
A chacun ses arguments
Quant aux autorités guinéennes, elles s’estiment flouées dans cette affaire. Elles accusent GAC d’avoir délibérément refusé de respecter à la lettre les termes de la convention de base. Elles estiment que le comportement du contractant leur donne le plein droit de déposséder les Emiratis.
Le gouvernement guinéen, par la voix de son ministre secrétaire général de la Présidence, Amara Camara, met en avant l’article 34.3.1 de la Convention de base. Celui-ci stipule que chaque partie aura le droit de résilier la convention en cas de survenance d’un cas de force majeure ou de manquement grave à l’une des obligations ou des garanties par une partie.
La GAC n’ayant pas pu construire la raffinerie dans les délais, le gouvernement guinéen estime qu’il est en droit de lui retirer la licence. De son côté, GAC, se fonde sur les articles 36.1 et 23.1 de la même convention. Le premier indique qu’en cas de conflit, « les parties conviennent de soumettre à l’arbitrage du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). » Le second interdit à l’Etat d’exproprier ou de nationaliser unilatéralement la concession minière.
Pour l’instant, le groupe minier est prié de plier bagages mais il croit toujours pouvoir dialoguer avec l’Etat afin de résoudre le différend à l’amiable. Toutefois, devant l’intransigeance des autorités gouvernementales, GAC n’exclut pas de saisir les tribunaux internationaux d’arbitrage comme le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI).
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