Ouestafnews – La situation en cours au Burkina Faso, au Mali et au Niger, vaut à ces pays du Sahel de figurer dans le classement des dix crises de déplacements de populations « les plus négligées » dans le monde en 2023, selon un rapport publié le 3 juin 2024 par le Conseil norvégien pour les réfugiés, une organisation humanitaire présente en Afrique de l’Ouest.
Ces trois pays ouest-africains frontaliers, dirigés par des régimes issus de coups d’État militaires, font face à une crise sécuritaire aiguë. Ils ont annoncé le 16 septembre 2023 avoir créé l’Alliance des États du Sahel (AES), pour s’entraider notamment dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité et prévenir d’autres menaces contre eux.
Le Burkina Faso est en tête de liste des dix pays en proie aux « crises de déplacement les plus négligées » dans le monde en 2023, selon le classement que le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC, pour Norwegian Refugee Council) établit chaque année. Le Mali occupe la quatrième place et le Niger, la cinquième place, après le Cameroun (deuxième) et la République démocratique du Congo (RDC, troisième), ce qui en fait un épicentre pour l’Afrique.
Les cinq autres pays du top dix sont le Honduras (sixième), le Soudan du Sud (septième), la République centrafricaine (huitième), le Tchad (neuvième) et le Soudan (dixième).
Certains médias utilisent indifféremment déplacés et réfugiés, mais ces deux termes ne désignent pas les mêmes personnes : un déplacé (ou déplacé interne) a quitté son lieu de résidence habituel dans son pays pour s’abriter ailleurs dans le même pays, tandis qu’un réfugié a quitté son pays pour s’abriter dans un autre pays.
D’après l’organisation non gouvernementale (ONG) norvégienne, son classement mondial est fondé sur trois critères : la volonté politique de la communauté internationale, la couverture médiatique et les financements humanitaires. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger y figurent en raison de leur crise sécuritaire qui entraîne un « déplacement massif des populations », a expliqué Hassane Hamadou, directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre du NRC, lors du lancement du rapport.
Les difficultés liées à l’accès des personnes déplacées à l’aide humanitaire et à la mobilisation du financement de cette aide sont également prises en compte dans l’établissement du classement, a ajouté Hassane Hamadou.
D’après le rapport mondial du NRC, toutes les crises de 2023 « perdurent et affectent » la vie des communautés depuis des années, parfois même des décennies.
Le Burkina Faso se retrouve en tête – comme en 2022 – avec un record de 707.000 personnes déplacées. Le pays, plongé dans une crise sécuritaire depuis 2019, subit les attaques de groupes armés terroristes et djihadistes, rappelle le NRC dans son rapport.
« La couverture médiatique a chuté », car l’accès aux zones dites sécuritaires est « devenu plus difficile » pour les journalistes et les organisations humanitaires, souligne-t-il. Quant au montant des financements humanitaires, seuls 39 % du plan de réponse a été couvert en 2023, contre 43 % en 2022.
En 2023, plus de deux millions de personnes ont été déplacées au Burkina Faso en raison de l’insécurité. Elle a également entraîné la fermeture de 6.134 écoles en 2023 contre 4.258 en 2022, soit une hausse de 44 %, selon le Centre d’études stratégiques de l’Afrique, un organisme du ministère de la Défense des États-Unis d’Amérique.
Au Mali, plus de 340.000 personnes avaient fui leurs foyers en décembre 2023 à cause de la « recrudescence » des combats entre les Forces armées maliennes (Fama) et des groupes terroristes actifs dans le nord, selon le NRC. Cette date correspond au départ du pays, à la demande de Bamako, des forces des Nations qui étaient déployées au Mali depuis 2013.
Toutefois, le Conseil norvégien pour les réfugiés note qu’en dépit de la montée de la violence, le nombre de personnes ayant besoin d’aide humanitaire à la fin de 2023 est tombé à 7,1 millions, contre 8,8 millions en 2022. Une baisse due à la nécessité de « redéfinir les priorités de l’aide humanitaire en raison du manque de financements ».
Depuis 2023, le Mali utilise la méthodologie de budgétisation de la réponse humanitaire basée sur « les coûts unitaires d’activités » à la différence de celle basée sur projets, utilisée dans le passé, explique Cluster Sécurité alimentaire (CSA ou FSC, pour Food Security Cluster), une organisation internationale chargée de coordonner l’aide en matière de sécurité alimentaire lors d’une crise humanitaire sous la direction conjointe de deux agences onusiennes.
Dans son rapport 2024 intitulé : « Mali : Besoins humanitaires et plan de réponse humanitaire », Cluster Sécurité alimentaire explique que cette approche permet « de renforcer les consultations avec les partenaires sur les coûts unitaires des activités et de focaliser la budgétisation aux activités prioritaires en évitant la surestimation des coûts des projets ».
D’après le rapport du NRC, le Niger, confronté à des catastrophes climatiques et à l’insécurité alimentaire, a vu sa situation se détériorer après le coup d’État militaire du 26 juillet 2023 qui a renversé le président Mohamed Bazoum.
À la suite de ce putsch, l’aide au développement a été en grande partie « suspendue ou réduite par les principaux bailleurs », seuls 43 % du plan de réponse humanitaire ont pu être financés.
Au cours de l’année 2023, la montée de l’insécurité et la présence de groupes terroristes dans les régions de Diffa (sud-est), Maradi (centre-sud), Tahoua (ouest) et Tillabéri (sud-ouest) ont contraint plus de 335.000 personnes à quitter leurs maisons, a encore fait savoir le Conseil norvégien pour les réfugiés.
Les tensions politiques entre le régime militaire dirigé par le général Abdourahamane Tiani et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao, 15 pays membres) ont exacerbé une « situation économique désastreuse en restreignant l’accès des Nigériens aux services bancaires et au commerce », entre autres sanctions. Depuis, la Cedeao a largement assoupli ses sanctions en prenant des mesures « d’exemptions humanitaires », en particulier sur la demande de plusieurs ONG internationales basées dans le pays.
En Afrique centrale, le Cameroun et la RDC cumulent plusieurs millions de déplacés en 2023. Le NRC en a décompté près d’un million au Cameroun, et a noté qu’en RDC, « plus de 25 millions de personnes ont continué à faire face à de multiples situations d’urgence ».
Le Conseil norvégien pour les réfugiés recommande aux « gouvernements bailleurs » de fournir une aide humanitaire en fonction des besoins des personnes touchées, et « non en fonction de l’intérêt géopolitique ».
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