Santé – médias : des journalistes spécialisés pour mieux informer

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Au-delà des symptômes des maladies et des campagnes de sensibilisation, les médias peuvent aller plus en profondeur pour fournir une information de qualité au grand public, en matière de santé. Pour cela, il faut, selon certains experts, que les journalistes et les médias se spécialisent dans le traitement des questions de santé./Ouestaf News.

Ouestafnews – Pour améliorer la qualité de l’information sanitaire livrée au grand public,  les journalistes et les médias ont besoin de spécialisation dans les questions liées à la santé. Des professionnels de la santé ayant participé au panel du lancement de la plateforme Ouestaf Covax, le 17 avril 2024, pensent également la même chose.

Pour de nombreux journalistes, la pandémie du Covid-19 semble avoir été un révélateur. Dans le contexte d’une maladie mortelle et, surtout mal connue des spécialistes de la santé eux-mêmes à ses débuts, le traitement de l’information s’est vite transformé en casse-tête. Il fallait diffuser des informations scientifiques fiables à des populations prises de panique. Une difficulté à laquelle s’est rajoutée une non-maîtrise du système de santé et du parcours du malade. 

Selon le Dr Amadou Sow, spécialiste de médecine légale, « il y a aujourd’hui une nécessité pour des professionnels des médias de s’orienter vers une spécialisation en santé afin de mieux rendre compte de l’information sanitaire ».

Il intervenait lors du panel organisé le 17 avril 2024 par Ouestaf News dans le cadre du lancement de la plateforme Ouestaf Covax sur « la place de l’information sanitaire, médicale et scientifique en Afrique de l’Ouest ».

Oustaf Covax, plateforme désormais dédiée aux questions de recherche sur la santé, aux politiques publiques et système de santé, avait commencé comme en une série de reportages sur la question des vaccins pendant la période de Covid-19 avec le soutien d’Open Society Initiative for West Africa (Osiwa), devenu depuis Open Society Foundations for Africa (OSF-Africa).

Devant la circulation virale des infox et leurs impacts potentiels sur les populations, la spécialisation ouvre aux journalistes l’ère d’une meilleure connaissance de l’écosystème sanitaire, préalable à tout traitement de qualité des questions de santé, argumente le Dr Sow.

Ce dernier se dit abasourdi de voir assez souvent dans les médias des « experts » faire « leur show » sans que les journalistes ne leur apportent « de contradiction par rapport à certaines déclarations », pas forcement vraies.

Pharmacien et chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), le Dr Thierno Wane estime quant à lui, qu’il appartient aux journalistes qui le souhaitent de se donner eux-mêmes les moyens de se spécialiser à travers leurs rédactions. Il réagissait à la question de savoir si les institutions qui travaillent dans le domaine médical pouvaient « soutenir » ou « appuyer » de telles spécialisations. Selon lui, les instituts de recherche peuvent bien appuyer les journalistes et les médias dans ce sens mais ils n’ont pas pour vocation de le faire.

Dans le même ordre d’idée, la responsable de la communication de l’Institut de recherche de développement (IRD) de Dakar, Yacine Ndiaye, soutient que la volonté d’une spécialisation doit venir d’abord des médias eux-mêmes. Mais elle reconnaît que cela peut être une nécessité « si on veut promouvoir une meilleure fluidité des rapports entre experts et journalistes. »

L’IRD, en tant qu’organisme de recherche, intervient souvent en soutien des journalistes dans le traitement de l’information scientifique, ajoute Yacine Ndiaye. Il appui les journalistes dans certaines productions utiles á l’information du public, « mais cet appui conjoncturel ne peut être érigé en règle. »

En attendant que le journalisme scientifique s’installe, les professionnels des médias doivent conserver « l’initiative de traiter librement les questions » liées à la santé même s’ils changent « souvent de desk au sein des rédactions », souligne-t-elle.

Dans cet esprit, la mise en place de la plateforme Ouestaf Covax pourrait constituer un début de réponse pour les journalistes désireux d’approfondir leurs connaissances des mécanismes de fonctionnement du système de santé, ont souligné en chœur les trois panélistes lors des débats modérés par Marie Rosalie Ndiaye, journaliste à la radio privée Sud-Fm et animatrice elle-même d’une émission en santé.

Par ailleurs et pour aller plus loin, «il y a un besoin de créer des filières en journalisme scientifique dans les écoles de journalisme », préconise la responsable de la communication de l’IRD.  

Dans tous les cas, rappelle le Dr Amadou Sow, il y a deux erreurs à éviter pour les journalistes : se focaliser sur le côté sensationnel des questions de santé et se limiter à parler des maladies et de leurs symptômes.

« Connaitre l’organisation du système de santé, ses forces et ses faiblesses, permet de renforcer la qualité de l’information sanitaire en direction des populations », explique le Dr Sow. A cet égard, ajoute Yacine Ndiaye, « les médias doivent accorder une bonne place aux articles de fond » sur la santé publique et sur ses enjeux multiples.

A ce niveau, souligne le Dr Thierno Wane, il y a la nécessité de rendre plus accessibles et compréhensibles les résultats de recherches scientifiques auprès des journalistes pour une meilleure vulgarisation à travers les médias.

« Si les scientifiques chercheurs ne communiquent pas sur les résultats de leur travail en santé et ne les valorisent pas, d’autres groupes non habilités parleront à leur place à travers les médias. C’est ce qui se passe », souligne le pharmacien-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.  Il faisait ainsi allusion aux nombreuses émissions sur la santé, animées par toutes sortes de « praticiens » dans les principales chaines audiovisuelles sénégalaises.

Afin de ne pas laisser la place à ces « charlatans », Dr Amadou Sow plaide pour une plus grande ouverture de la recherche et des chercheurs aux professionnels des médias pour mieux toucher les populations.

Enfin Yacine Ndiaye de l’IRD appelle les médias à des « restructurations internes » qui leur permettraient de mettre à disposition des organismes et institutions des journalistes qualifiés pour traiter de l’information sanitaire ou scientifique sans risque d’être un danger pour le public.

ON/md/ts

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