Ouestafnews – L’Internet des données mobiles a été encore suspendu le 13 février 2024 au Sénégal, annonce un communiqué du ministre de la Communication, des Télécommunications et de l’Economie numérique. Une nouvelle coupure qui fâche la société civile.
Pour justifier cette nouvelle suspension des données mobiles Moussa Bocar Thiam brandit le même argument : la diffusion de « messages haineux et subversifs sur les réseaux sociaux ». Dans la note d’information à l’endroit du public, le ministre ajoute que les messages dans les réseaux sociaux ont « déjà provoqué des manifestations violentes ».
Cette suspension est la deuxième intervenue après celle du 4 février 2024, suite au report de l’élection présidentielle initialement prévue le 25 février 2024, par le président Macky Sall. La première suspension avait été levée après quatre jours de restriction du service.
Selon un rapport de l’Autorité de Régulation des télécommunications et des postes, 97 % des internautes sénégalais utilisent la connexion Internet via données mobiles.
La décision du ministre de la Communication intervient dans un contexte de tension politique, suite à la suspension du processus électoral.
Face à ces coupures récurrentes, des organisations de la société civile se mobilisent pour dénoncer ce qu’elles qualifient de « violation » des droits des citoyens.
Le 31 janvier 2024, soit deux jours avant la décision du report de l’élection, deux journalistes sénégalais soutenus par des organisations internationales ont introduit un recours devant la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
L’association panafricaine AfricTivistes et les journalistes sénégalais, Moussa Ngom et Ayoba Faye, sont soutenus dans cette action en justice par Media Defence et le Rule of Law Impact Lab de la Stanford Law School.
Media Defence est une organisation non gouvernementale créée en 2008 pour fournir une assistance juridique aux journalistes et aux institutions médiatiques indépendantes.
Cette plainte est liée à des coupures intervenues dans des circonstances similaires en juin, juillet et août 2023.
Selon les plaignants qui ont annoncé leur saisine dans un communiqué rendu public le 13 février 20224, les restrictions d’Internet ont « violé les droits » des Sénégalais et des journalistes à exercer leur profession, tout en « étouffant (…) la liberté des médias et la liberté d’expression au Sénégal ». Leur recours vise à obtenir « des mesures provisoires » afin de protéger les Sénégalais contre d’autres potentielles coupures.
L’Ong Article 19, NetBlocks et Internet Society, avaient condamné et demandé le rétablissement de l’accès à Internet lors de la suspension des données mobile entre le 4 et le 7 février 2024. Ces organisations avaient également réclamé l’arrêt de la « répression » contre les journalistes.
Avant la décision de suspension des données mobiles, le syndicat des travailleurs de la Société nationale de télécommunication (Sonatel, principale fournisseuse d’Internet) avait montré, à travers un communiqué, son désaccord quant à toute décision de restriction de l’accès à l’Internet par les autorités.
La coupure d’Internet durant les périodes de manifestions politiques est devenue récurrente depuis 2021 au Sénégal.
En mars 2021, les autorités sénégalaises avaient suspendu l’Internet mobile suite à l’interpellation et arrestation de l’une des principales figures de l’opposition, Ousmane Sonko.
Les plateformes Youtube et l’application Whatsapp étaient inaccessibles avec un débit très lent impliquant un blocage des envois de messages audio ou la lecture de vidéos.
Au mois de juin 2023, le gouvernement sénégalais avait décidé d’un blocage complet des plateformes de médias sociaux, lors des manifestations violentes suite à la condamnation à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » de l’opposant Ousmane Sonko par un tribunal de Dakar.
Même après le rétablissement de l’Internet, le réseau social TikTok était resté inaccessible pendant des mois.
En période de crise politique, indique le président de AfricTivistes, Cheikh Fall, l’accès à l’information est « crucial » et les coupures d’Internet ne font qu’approfondir » le problème en mettant en danger la sécurité des citoyens.
Selon Internet society, une journée de coupure d’Internet, au-delà de son impact social, occasionne une perte estimée de plus de 100 millions FCFA sur le PIB.
Le Sénégal figure parmi les pays africains où les autorités ont le plus eu recours à la restriction de l’accès à l’Internet en 2023, selon la dernière étude de Top10VPN.
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