Ouestafnews – Pour l’année scolaire 2021-2022, crise sanitaire oblige, l’Etat togolais a soulagé les parents d’élèves en décrétant la gratuité des frais d’inscription et de scolarité dans les collèges et lycées publics. Cette mesure n’a pas fait que des heureux, car ne concernant pas les élèves inscrits dans le privé.
Il est 11 heures ce lundi 21 février 2022. La cour du Collège d’enseignement général de Totsi (CEG Totsi) à Lomé est presque vide. Les élèves sont tous en classe. Garçons en ensemble chemise-pantalon kaki. Filles en chemise blanche-jupe kaki. Un modèle de tenue scolaire qui date de l’époque coloniale.
Dans cet établissement public, aucun des 1.457 élèves enregistrés cette année n’a versé de frais d’inscription et de scolarité qui s’élèvent à 3.000 FCFA pour les filles et 4.000 F CFA pour les garçons. Seules les cotisations dites « parallèles » fixées à 3.000 FCFA par élève ont été exigées. En vigueur depuis plusieurs années, cette cotisation sert à payer des primes de motivation aux enseignants volontaires et à la prise en charge des dépenses imprévues.
« Ici, la gratuité décrétée par l’Etat est effective. Et cela a beaucoup soulagé les parents », affirme Tamadja Tibabi, le directeur du collège.
C’est dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 que le gouvernement du Togo a supprimé les frais d’inscription et de scolarité dans l’enseignement préscolaire et primaire sur l’étendue du territoire national pour soulager les familles. La mesure n’est valable que pour l’année scolaire 2021-2022.
« La crise sanitaire que traverse le monde a eu des impacts socio-économiques sur toutes les populations et menace de creuser encore plus le fossé des inégalités et des vulnérabilités », avait indiqué le gouvernement, pour expliquer sa décision, dans un communiqué en date du 21 août 2021, veille de la rentrée des classes.
Au collège d’enseignement général de Kohé à celui d’Avedji comme au lycée d’Adidogogomé à Lomé, plusieurs élèves interrogés par Ouestaf News assurent n’avoir déboursé aucun franc pour la scolarité de cette année.
Au début de la rentrée scolaire, certains chefs d’établissements avaient décidé de faire fi de la décision de l’Etat en percevant des frais supplémentaires, au-delà des plafonds des frais « parallèles » fixés, à 3.000 FCFA pour les collèges et à 5.000 FCFA pour les lycées.
Interpellé, le ministre des Enseignements primaire, secondaire, technique et de l’Artisanat, Dodzi Kokoroko, avait sorti une note à cet effet en précisant : « aucun chef d’établissement ne doit exiger d’un parent d’élève, le paiement de frais supplémentaires ou spéciaux ». Il avait ensuite menacé de sanctionner les récalcitrants de manière ferme. La méthode a porté ses fruits.
« L’Etat nous a sauvés »
Pour les parents d’élèves comme Gildas Kpatcha, c’est un grand soulagement qui permet d’éviter que des parents démunis n’envoient leurs enfants ailleurs qu’à l’école.
L’Union togolaise des associations des parents d’élèves et étudiants (Utape), a « hautement » apprécié une mesure qui règle un véritable casse-tête pour les parents à l’approche de chaque rentrée scolaire. Selon des témoignages recueillis par Ouestaf News, cette gratuité a eu pour conséquence une hausse des effectifs dans certains établissements publics.
Au CEG Totsi par exemple, l’effectif global est passé à 1.457 élèves cette année, 40 de plus que l’année dernière. Beaucoup de parents n’ont pu y trouver de places pour leurs enfants.
Dans certaines zones comme Lankouvi, dans la banlieue de Lomé, plusieurs élèves du privé admis à l’examen du Certificat d’étude du premier degré (CEPD) se sont inscrits dans le public, rapporte Jean Paul Lombo, directeur d’un complexe scolaire privé à Lankouvi.
Cette hausse des effectifs des écoles publiques due à la gratuité des frais de scolarité avait été admise le 27 septembre 2021, jour de la rentrée des classes, par le Ministre délégué chargé de l’enseignement technique et de l’artisanat M. Kokou Eké Hodin. Avec une augmentation particulière dans les classes de sixième, seconde et première aussi bien dans l’enseignement général que technique.
Selon Tamadja Tibabi, le directeur du CEG de Totsi, le surplus d’effectifs n’a toutefois pas été difficile à gérer grâce à l’organisation instaurée pour faire face à la pandémie à coronavirus. « Les élèves suivent les cours en matinée ou dans l’après-midi. Les classes ne sont plus bondées comme avant », explique-t-il.
Cette gratuité est un droit
Tout en saluant les efforts du gouvernement, les acteurs de l’école rappellent que la Constitution togolaise consacre déjà cette gratuité de la scolarité dans le public.
« L’État reconnaît le droit à l’éducation des enfants et crée les conditions favorables à cette fin. L’école est obligatoire pour les enfants des deux sexes jusqu’à l’âge de 15 ans. L’État assure progressivement la gratuité de l’enseignement public », dit l’article 35 de la loi fondamentale.
Depuis 2007, les autorités togolaises ont procédé à « la suppression de l’écolage et des cotisations parallèles dans les écoles primaires publiques ». En 2021, elles ont également concrétisé « l’exonération pour les parents d’élèves des frais d’inscription aux différents examens ».
La gratuité dans les collèges et lycées publics instaurée cette année a coûté à l’Etat plus de 2,57 milliards FCFA, selon des chiffres obtenus par Ouestaf News auprès du ministère des Enseignements.
Le privé laissé en rade
Les acteurs du monde éducatif estiment que le secteur privé mérite également l’accompagnement de l’Etat. Certains dénoncent la non prise en compte des élèves et parents d’élèves des écoles privées du Togo.
Selon Carole Atikpa, une parente d’élèves, les effets sociaux du Covid-19 n’épargnent personne. Elle dénonce une « discrimination » dans l’intervention de l’Etat qui selon elle privilégie une catégorie de parents.
« Pour diverses raisons, même si certains parents préfèrent mettre leurs enfants à l’école privée, il aurait fallu que leurs enfants soient aussi concernés par ce geste », dit-elle avec amertume.
« Il est temps d’aider les promoteurs par des subventions, avec bien sûr des critères bien définis comme l’importance de l’école dans sa zone géographique et ses résultats produits. L’Etat peut le faire aussi sur la base des résultats scolaires », propose Jean Paul Lombo, directeur d’un complexe scolaire privé à Lankouvi.
Justin Amededisso, également directeur d’un institut privé à Ségbe, dans la banlieue de Lomé encourage l’Etat à initier un réel partenariat avec le secteur privé. « On ne peut pas avoir, dans un même pays, une éducation à double vitesse », déplore-t-il.
Pour l’année scolaire 2020-2021, le Togo comptait 875 établissements scolaires au premier cycle du secondaire (collèges) et 270 établissements au deuxième cycle du secondaire (lycées) dans le public sur l’étendue du territoire. Au total, le Togo comptait 432.524 collégiens et 138.033 lycéens, selon les chiffres consignés dans le document de « Présentation des données statistiques scolaires de la campagne 2020-2021 » dont Ouestaf News a eu copie.
DHA/md/ts
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