Par AFP

"Personne ne savait que cela allait durer cinq ans", dit Georges au volant de sa vieille Peugeot 305 blanche qui fait chaque jour au moins deux fois les 62 km qui séparent Béoumi de Bouaké, le quartier général de la rébellion.
"On est fatigué. Tout le monde est fatigué. On veut la paix maintenant", affirme Georges, physique de catcheur et cheveux déjà grisonnants, en passant péniblement d’une vitesse à une autre avec son levier artisanal.
A l’image des autres villes du nord, Béoumi regrette ses fonctionnaires qui ont fui l’avancée des rebelles pour aller se réfugier au sud, resté sous contrôle gouvernemental. "Sans eux, aucune activité ne peut rapporter de l’argent", souligne Georges.
Symboliquement réinstallés courant juin 2007, les 23 préfets et 296 sous-préfets réaffectés dans la moitié nord du pays n’ont jusqu’ici pas regagné leurs postes, attendant la réhabilitation de leurs bureaux et domiciles saccagés, occupés par des rebelles ou en ruine pour la majorité.
Et la population attend, en espérant que l’apaisement des esprits nourri par l’accord de paix du 4 mars dernier favorisera la réunification attendue.
"Il y a eu beaucoup d’évolution dans le comportement des jeunes combattants rebelles. Au début, ils tabassaient les transporteurs qui ne se soumettaient pas à leur loi, mais aujourd’hui, ils sont moins violents", note Georges.
Mais la relative accalmie ne sourit pas encore aux commerçants et transporteurs, qui ne cessent de déplorer la faiblesse du pouvoir d’achat.
"Avant la crise, on pouvait faire au moins quatre voyages entre Béoumi et Bouaké par jour pour une recette de 16.000 francs CFA. Aujourd’hui, c’est seulement la moitié", note Georges, avant d’arriver à Béoumi, où il présente son "laissez-passer permanent" aux soldats rebelles postés à l’entrée de la ville.
Le long de la rue principale, la seule voie bitumée de la ville, Karim Diabagaté, 22 ans, Drissa Ouattara, 23 ans, et Lassina Sangaré, 24 ans, confectionnent un ensemble féminin dans leur atelier de 3 mètres carrés.
Et ne cachent pas leur mécontentement. "On est fatigué. Avec la crise, les clients se font très rares", se plaint Drissa, surnommé "Rougeot" pour son teint d’albinos, en réclamant lui aussi le retour des fonctionnaires.
Karim espère de son côté la fin prochaine du système des taxes et pourboires mis en place par les rebelles. "Aujourd’hui, on gagne juste de quoi se nourrir. Mais jusqu’à quand allons-nous tenir?", s’interroge-t-il.
Dans la ville voisine de Sakassou, à 39 km au sud, Jean-Luc N’Guessan, 22 ans, et son ami Romaric Konan, 24 ans, semblent quelque peu résignés, après cinq ans de crise dont trois passés sans aller à l’école.
"Il n’y a pas d’amélioration" depuis 2002, affirme Jean-Luc; dont les amis sont tous partis rejoindre l’université en zone gouvernementale. "Mais toute chose à une fin, c’est cela notre espoir", glisse-t-il mélancoliquement.
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