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Le ‘direct’ Gbagbo-Soro, dernier rêve des Abidjanais

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Le 'direct' Gbagbo-Soro, dernier rêve des Abidjanais
L’offre du président Gbagbo a été acceptée par le leader des FN et le président Burkinabé Blaise Compaoré retenu comme médiateur. Les pourparlers entre les deux hommes devraient démarrer début février au Burkina Faso.
Les habitants, toutes couches sociales confondues, scrutent l’avenir et "ne voient que ces deux mots (dialogue direct) à la mode, faute d’avoir un autre rêve’’, avance Doumbouya, conducteur de taxi collectif qui se définit comme "un Ivoirien à 100 pour cent". Une précision importante dans un pays coupé en deux par une insurrection armée depuis septembre 2002 et où la question de savoir "qui est ivoirien et qui ne l’est pas" est au centre de la déchirure.
"Tout ce qui a été entrepris a échoué, les cessez-le-feu, la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest), les résolutions des Nations Unies, rien n’a permis le retour à la paix. Et que reste-t-il d’autre? La décision de Gbabgo de rencontrer Soro", dit un Doumbouya perplexe, en tentant de se frayer un passage dans la dense circulation abidjanaise en ce mercredi matin de Treichville au Plateau, via les échangeurs.
Même s’il n’est pas convaincu que "ces deux personnes vont s’entendre parce que leurs intérêts sont très divergents", il souligne qu’il faut "s’accrocher à quelque chose dans cette vie".
Un gérant de cybercafé du quartier de Treichville dominé par les immigrants ouest-africain, bien installé dans un "woro-woro", autre nom des taxis collectifs, refuse de "se faire trop d’illusions" comme il refuse de décliner son identité.
"Ce qui les intéresse, ce sont leurs intérêts et rien d’autre et je pense que cette énième déclaration va finir comme les autres tentatives parce qu’ils ont tous les deux goûté au pouvoir et ils ne veulent rien lâcher avec leurs partisans".
Et pourtant lui aussi pense que "les populations n’ont d’autre choix que de croire que le dialogue direct entre Soro Guillaume et Gbagbo Laurent donnera des résultats concrets pour sortir de cette situation".
"Sinon, on risque de devenir fou dans ce pays où tout f… le camp", argumente-t-il, pointant son index vers un tas d’ordures qui s’amoncelle sur les bordures de la route.
"Nous n’avons jamais connu cela à Abidjan, des ordures entassées sur les bords de la route et que les gens soient obligés de les brûler là", vocifère une autre passagère, appelant à l’aide le défunt Houphouët Boigny, "père" de l’indépendance du pays et son premier président, qui en avait fait un modèle de relative réussite économique et un oasis de stabilité, s’appuyant sur un régime auquel on reprochait sa fermeté.
"Si ce ne sont pas des balles, ce sont les déchets toxiques qu’on nous balance", avance la jeune dame avant de pousser dans ce style très ivoirien : "Eh Dieu, qu’est-ce qu’on t’a fait pour mériter ça".
Yves Tiémélé, sympathique jeune qui s’est décidé à être le guide d’un soir, souligne au sujet de la situation de crise que vit son pays qu’elle a créé une nouvelle approche de la vie, faite de débrouille et de fatalisme, inconnus jusqu’alors chez les Ivoiriens.
Le trentenaire donne l’exemple des maquis, ces restaurants à ciel ouvert qui ont fleuri – plus que de raison – dans tous les quartiers d’Abidjan, principalement à Yopougon, Marcory et Port Bouët.
"Les maquis ont profité de cette situation d’insécurité pour pulluler dans les quartiers et les propriétaires qui ont des problèmes de survie, acceptent plus volontiers que la devanture de leurs maisons puissent être occupées par ces hommes d’affaires d’un type nouveau", explique-t-il estimant que "les gens essaient de noyer leurs frustrations dans ces lieux".
En passant un début de soirée dans l’un de ces restaurants où les DJ mettent le son à fond, on constate que les lieux sont loin d’être attrayants avec des bouches d’égout qui déversent leur trop plein sur la voie à côté et les oreilles qui bourdonnent, à force d’être agressées par la musique.
Alors, Yves Tiémélé, tout heureux de sortir de son train train quotidien, précise que si les maquis "ont toujours fait partie du décor, ils ont connu un développement exceptionnel avec la crise, surtout après 2002", rappelant qu’à "côté de l’alcool, les gens viennent chercher des jeunes filles faciles dans ces lieux".
Les déhanchements des jeunes filles aux décolletés généreux qui faisaient office d’hôtesses finissent de renseigner le client sur leurs objectifs réels…
Sur les grands boulevards, on se rend compte du travail immense qui attend les responsables politiques de l’ancienne "Perle de l’Afrique de l’ouest" avec des routes mal éclairées et "gardées" par des policiers en armes qui rackettent les chauffeurs de taxi ou les "ambianceurs" s’étant hasardés à sortir sans une pièce d’identité en poche.
Les personnalités qui défilent en ce début d’année au Palais présidentiel savent certainement tout cela, mais leur sur-priorité, disent-ils, c’est le "retour à la paix" qui passe désormais par la rencontre "directe" entre le chef de l’Etat et le leader de la rébellion, en dehors des partis politiques constitués.
Et à la question de savoir si les autres chefs de partis politiques ne pourraient pas créer des obstacles, on vous balance presqu’invariablement, reprenant les paroles d’une chanson à la mode : "les moutons marchent ensemble mais ils n’ont pas le même prix".
Gabgo et Soro sauront-il décrypter le message et libérer les populations prises en otage ou vont-ils encore préférer jouer avec le temps et s’attacher à leurs sinécures? Seul l’issue du "dialogue direct" le dira.


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