Ouestaf News – S’adressant à la Nation le 31 décembre 2020, le président sénégalais Macky Sall a déclaré que le réseau routier de son pays figurait « parmi le top 10 des meilleurs réseaux routiers et autoroutiers africains ». Ouestaf News a vérifié.
Dans ce discours à l’occasion du passage à l’an 2021, consultable sur le site de la présidence sénégalaise, M. Sall s’est félicité de « la réalisation de projets d’infrastructures en cours au Sénégal « en dépit de la conjoncture économique difficile ». « Ainsi, grâce aux investissements massifs de ces dernières années, notre pays figure à présent dans le top 10 (des pays disposant) des meilleurs réseaux routiers et autoroutiers africains », a-t-il affirmé, sans préciser la source du classement et l’année de référence.
« En 2020, neuf projets routiers ont été achevés, sur un linéaire (une longueur, NDLR) de 425 km de routes revêtues, avec leurs ouvrages connexes, ponts et autoponts, en plus des pistes rurales (…). Aujourd’hui, notre pays compte 221 km d’autoroutes », a ajouté le président sénégalais.
Quel classement, en quelle année ?
Ouestaf News a multiplié les tentatives pour avoir la source du classement et l’année concernée auprès de la cellule de communication de la présidence sénégalaise et d’un conseiller chargé des relations avec les médias à la présidence, sans succès.
Chiffres officiels accessibles
En juillet 2020, l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) a publié un rapport sur « la situation économique et sociale du Sénégal en 2017-2018 ». S’appuyant sur des données de l’Agence des travaux et de gestion des routes au Sénégal (Ageroute Sénégal), ce document fait un point sur la situation du réseau routier dans le pays.
« Depuis 2014, le réseau routier du Sénégal, qui s’étale sur 16.495 km, n’a pas réellement évolué. En effet, la politique de l’État en matière d’infrastructure s’est orientée plus vers l’amélioration de la qualité du réseau existant plutôt que de l’étendre », peut-on y lire.
Selon son site, l’Ageroute Sénégal est « chargée, de manière générale, de la mise en oeuvre de tous les travaux de construction, de réhabilitation et d’entretien de routes, de ponts et autres ouvrages d’art ainsi que de la gestion du réseau routier classé ». On n’y trouve pas de chiffres globaux récents sur le réseau routier du pays. Mais on peut y voir une carte routière compilant des données de 2015, qui affiche 5.956 km de routes revêtues et 10.539 km de routes non revêtues. Elle mentionne également 54,58 % de routes revêtues en bon état et 34,05 % de routes en terre en bon état.
Dans son rapport sur « la situation économique et sociale du Sénégal en 2017-2018 », l’ANSD écrit : « En 2018, sur les routes revêtues au Sénégal, 79,7 % sont de bonne qualité. Cette proportion était de 80,1 % en 2017 ». Selon la même source, c’est depuis 2015 qu’on a noté « un bond significatif de la proportion de routes en bon état ».
Des chiffres plus récents figurent dans le document de référence du groupe de la Banque africaine de développement (BAD) pour le Sénégal pour la période 2021-2025 (dit « Document de stratégie pays 2021-2025 »), consulté par Ouestaf News : 82 % de routes revêtues en bon/moyen état, et 55 % de routes non revêtues en bon/moyen état.
Via Africa Facts Zone
En 2020, plusieurs médias et sites en Afrique ont partagé un classement des pays africains selon la qualité de leurs routes en 2019, en citant « Africa Facts Zone ». C’est le cas d’AfrikMag, de Téranga Info ou encore de Bladi.net.
Africa Facts Zone, qui se présente comme « la plus grande entité sur les faits en Afrique et la plateforme de faits la plus à jour au monde », n’est pas un média à proprement parler. C’est un espace sur les réseaux sociaux créé en 2014 par le Nigérian Isima Odeh, alors étudiant (aujourd’hui homme d’affaires), pour partager des informations fiables sur le continent, puisées dans des médias ou livres, selon ses explications à la plateforme Global Voices la même année.
Ouestaf News a pu remonter au classement partagé sur Twitter par Africa Facts Zone le 31 mai 2020, avec comme source un rapport du Forum économique mondial sur la qualité de l’infrastructure routière en 2019. Au 10 août 2021, ce tweet classant treize pays avait été retweeté plus de 1.200 fois et cité plus de 450 fois.
Dans cette liste, le Sénégal est septième derrière la Namibie, l’Égypte, le Rwanda, le Maroc, la République de Maurice et l’Afrique du Sud. Il devance le Kenya, la Tanzanie, l’Algérie, les Seychelles, l’Eswatini (ex-Swaziland) et le Cap-Vert.
Via The Global Economy
Ouestaf News n’a pu se procurer le rapport du Forum économique mondial mentionné par Africa Facts Zone.
Cependant, un autre classement est apparu dans nos recherches effectuées sur cette liste de pays aux réseaux routiers jugés performants : celui fait par le site The Global Economy. Ce site se présente comme « une ressource éducative ouverte sur l’économie mondiale » et assure compile des données de « plus de 200 pays » provenant de plusieurs institutions, pays, organisations, entre autres sources.
D’autres médias ou sites d’information d’Afrique ont évoqué le classement des pays du continent sur ce sujet pour des années différentes en citant The Global Economy, à l’instar d’Africa Top Success en décembre 2019 (pour l’année 2018) et de l’Agence Ecofin en août 2020 (pour l’année 2019).
Sur le site de The Global Economy, on peut consulter son classement pour 2019 de « tous les pays où des données sont disponibles » concernant la qualité des routes : 141 États au total, notés de 1 point (pour la qualité la plus faible) à 7 points (pour la qualité la plus élevée). Pour ces 141 pays, « la moyenne pour 2019 (…) était de 4,07 points. La valeur la plus élevée a été enregistrée à Singapour : 6,5 points, et la valeur la plus faible au Tchad : 1,9 point », ont expliqué les auteurs du classement.
Le Sénégal y apparaît à la 65e place avec 4,10 points sur 7. Il est le huitième pays africain dans la liste, après la Namibie, l’Égypte, le Rwanda, la République de Maurice, le Maroc, l’Afrique du Sud et le Kenya. Sur les quinze premiers du continent en la matière, il devance la Tanzanie, l’Algérie, le Cap-Vert, les Seychelles, l’Eswatini, le Burundi et le Botswana.
Dans ce classement, le Sénégal recule d’un rang au profit du Kenya par rapport à la liste fournie par Africa Facts Zone citant le Forum économique mondial.
Critères de classement
Sur quels critères se fonde-t-on pour jauger les réseaux routiers ?
« Un bon réseau routier est un réseau qui offre un bon niveau de services au population », sans nids-de-poule et sur lequel on peut rouler « en toute sécurité », a répondu le Directeur des Routes du Sénégal, Mamadou Camara, sollicité par Ouestaf News à ce sujet. On prend également en compte la qualité du réseau principal, le fait qu’il relie plusieurs grandes villes et la densité routière, selon lui. « Comparé à certains pays, le Sénégal a aujourd’hui un ratio extrêmement élevé » en bonnes routes, « plus de 82 % »sur son linéaire de réseau, a-t-il indiqué. Il a en outre confirmé le chiffre fourni par le président Macky Sall sur les autoroutes : le pays en compte « aujourd’hui (…) 221 km », contre 32 km il y a dix ans, a assuré Mamadou Camara.
À en croire des spécialistes, il est possible de jauger l’état d’une route en se fondant sur l’indice de l’état de la chaussée, désigné par son sigle anglais PCI (pour « Pavement Condition Index »), qui est noté de 0 à 100. En 2012, l’Association québécoise des transports et l’Association des transports du Canada ont publié un document consacré aux « Mesures de performance des réseaux routiers », évoquant plusieurs autres outils d’évaluation ou méthodes de calcul, dont l’indice de rugosité international (IRI).
L’IRI « est un indice de mesure du niveau de confort de roulement de la chaussée exprimé en mètre de dénivelé par kilomètre », selon des archives de Recherches Transport, magazine spécialisé du ministère des Transports du Québec. D’après l’encyclopédie collaborative en ligne Wikipédia, cet indice « est l’un des indicateurs de performance routière les plus courants, avec l’indice d’état de la chaussée (PCI). L’IRI a une relation inverse avec le PCI. Un réseau avec un IRI élevé a généralement un PCI plus petit ».
Le Sénégal dans le top 10
Dans son discours à la Nation fin décembre 2020, Le président sénégalais Macky Sall a déclaré que son pays figurait dans le top 10 des pays africains disposant « des meilleurs réseaux routiers et autoroutiers », sans cependant préciser la source du classement et l’année de référence.
Les recherches menées par Ouestaf News ont permis de remonter à des classements d’organismes reconnus, qui incluent le Sénégal parmi les dix premiers pays du continent en matière de qualité de routes : il était septième en 2019 selon un rapport du Forum économique mondial cité par Africa Facts Zone, plateforme revendiquant des faits fiables sur l’Afrique, et huitième en 2019 selon un classement de The Global Economy, site de données ouvertes sur l’économie mondiale.
Sans attribuer de rang au Sénégal, le Directeur des Routes du Sénégal, Mamadou Camara, a assuré à Ouestaf News que ce pays avait de bons chiffres sur la qualité de ses routes, jugées bonnes à « plus de 82 % » sur le linéaire du réseau, avec « 221 km » d’autoroutes. Sans non plus évoquer de classement, un document de référence de la Banque africaine de développement (BAD) sur le Sénégal pour la période 2021-2025 mentionne également 82 % de routes revêtues en bon/moyen état, et 55 % de routes non revêtues en bon/moyen état dans ce pays
Toutefois, selon le classement mondial concernant 141 pays, réalisé par The Global Economy, le Sénégal se retrouve à la 65è place, avec une note juste passable (4,10 sur 7). La moyenne à l’échelle mondiale, selon cette source est de 4,07.
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