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Niger : les jeunes, faiseurs de roi. Et après ? 

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Ouestafnews Ils sont les plus actifs lors des campagnes électorales. Pourtant ils ne sont pas présents dans les instances de prise de décision. Que ce soit au sein des partis politiques, des conseils municipaux, de l’Assemblée nationale ou du gouvernement. Ils, ce sont les jeunes nigériens et nigériennes, qui représentent plus de 50 % de la population.

Aucun jeune dans l’actuel gouvernement. Les résultats des urnes des élections générales de 2020-2021, montrent également qu’ils ne sont que six jeunes sur les 266 députés (les cinq de la diaspora ne sont pas encore élus). Seuls 10 % des maires et de leurs adjoints sont des jeunes. Autant dire que les jeunes au Niger sont très peu présents dans les sphères de décisions.

Pourtant, ils jouent un rôle important lors des campagnes électorales, du niveau local au niveau national. Ils sont les principaux animateurs des meetings des formations politiques.

« Nous avons l’habitude de dormir en pleine brousse (…) durant les campagnes électorales ou encore d’être hués par les militants du camp adverse », souligne Djibrilla Issoufou, ancien militant du Mouvement national pour la société de développement (MNSD/Nassra)  qui ne milite plus pour un parti car « déçu de la politique ».

« Nous préparons le terrain, chaque fois que le parti organise un meeting dans une ville en faisant du porte à porte pour mobiliser les militants », indique pour sa part Abdoulaye Issoufou du Mouvement démocratique pour une fédération africaine (Moden/FA Loumana), le principal parti de l’opposition.

Au moment des nominations, espoir perdu pour des milliers des jeunes qui ne se voient pas investis sur les listes des candidats malgré leurs efforts. Dans les partis, on leur préfère les personnes plus âgées, dans un pays de près de 24 millions d’habitants dont on estime que plus de la moitié à entre 18 et 35 ans.

Selon Aminou Laouali, coordonnateur de l’ONG SOS Civisme Niger, « les jeunes constituent plus de 60 % de l’électorat nigérien ».

 « Les pouvoirs publics élus au niveau des communes, des régions et au niveau national avec le parlement et à la présidence de la république, ont été +fabriqués+ par les jeunes », explique cet ancien leader syndical estudiantin dans un entretien avec Ouestaf News.

« Au niveau national, au niveau du gouvernement, c’est la raison du maître. Ce n’est pas de façon démocratique que les décisions sont prises », renchérit Kimba Karimou, président de jeunes du Moden/FA Loumana.

Retournement de situation.

Il y a plus de trente ans, avec l’avènement du multipartisme, beaucoup de partis ont vu le jour. Ils avaient été investis par les jeunes à l’époque. Ceux-ci ont eu la chance d’être au pouvoir en étant encore jeunes.

Ce sont ces « trentenaires devenus aujourd’hui sexagénaires qui géraient les partis politiques et siégeaient dans le parlement et le gouvernement », se rappelle Abdoulaye Issoufou, militant du Moden/FA Loumana.

Pour illustrer ses propos, M. Issoufou cite l’actuel président de la république, Bazoum Mohamed (62 ans) qui a occupé le poste de secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères à 31 ans, pendant la transition, ayant suivi la Conférence souveraine nationale (1991-1993). Avant d’être élu président de la République en 2011, Issoufou Mahamadou a occupé le poste de Premier ministre en 1993 à l’âge de 41 ans. Pas dans la tranche des 18-35 ans, mais relativement jeune pour un chef de gouvernement.

Trente ans après, la tendance s’est renversée. Les jeunes sont relégués au second plan dans la plupart des partis politiques et, par ricochet, au sein des instances de décision.

Membre du Conseil national des jeunes du Niger (CNJN) depuis trois ans, Mohamed Sidi, 33 ans, estime que les jeunes ne sont pas conscients de leur poids numérique et de leur force au sein des partis politiques.

« Je peux vous garantir que nos tontons qui sont pour la plupart présidents des partis ne peuvent pas se battre sans les jeunes. Ils ne peuvent pas non plus mobiliser leurs électeurs sans ces jeunes », regrette Mohamed Sidi.

Des structures de jeunesse de nom

Dans tous les partis, du moins les plus connus, il existe des structures dédiées à la jeunesse. Dans l’organigramme de ces formations politiques, figurent les organisations de jeunesse de femmes et de cadres qui  accompagnent souvent le bureau politique national dans la mobilisation des masses, notamment au moment des campagnes électorales, des manifestations de rue ou des déclarations.

« Ce sont des structures en marge de la vraie gestion de la politique nationale », s’indigne Mohamed Sidi du CNJN.

« Pas du tout », rétorque Fatima Sahabi, 45 ans, présidente du Parti panafricaniste nigérien (Pepan Ifrikiya) et ancienne militante du Mouvement patriotique nigérien (MPN Kiishin Kassa).

« Le président national des jeunes fait partie du directoire du parti politique. Une façon de leur dire qu’ils sont impliqués dans la gestion du parti sur toute la chaîne », explique Mme Sahabi.

Dans la plupart des cas, ce sont des personnes qui ne sont pas dans la tranche d’âge « jeune » qui sont au-devant dans les structures de « jeunesse » des partis. Les différents présidents des structures de jeunesse ont entre 40 et 50 ans. Ce qui est loin de la définition donnée par l’Union africaine, qui situe l’âge de la « jeunesse » entre 18 et 35 ans.

Au niveau du Moden/FA Loumana, c’est plus de 200 personnes qui composent le bureau politique. « Le plus vieux a 72 ans et le plus jeune doit avoir 39 ou 40 ans. La moyenne d’âge des membres serait au-dessus de 40 ans », estime le président des jeunes Loumana, Kimba Karimou.

Si les jeunes sont marginalisés dans la gestion de la cité et dans les formations politiques, ils sont, « en théorie » au moins, au cœur de leurs projets de société. Se pose alors une question cruciale : comment faire représenter les jeunes dans les instances de décision ?

Là où certaines proposent des quotas, comme pour les femmes, un certain nombre d’observateurs et d’acteurs estiment que le problème n’est pas lié à un quelconque quota mais une prise de conscience des acteurs.

« Il faut que les jeunes prennent conscience de leur force au sein des formations politiques parce que sans eux il n’y a pas de parti », avance Sidi Mohamed du CNJN.

BB/md/ts


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