Ouestafnews – Certains l’appelaient « Le Patriarche », d’autres usaient plus communément, à son égard, du titre de « professeur » : l’universitaire, historien et homme politique sénégalais Amadou Mahtar Mbow est décédé le 24 septembre 2024 à Dakar, sa ville de naissance, à 103 ans révolus. Une annonce qui a suscité une pluie d’hommages.
Né le 20 mars 1921, Amadou Mahtar Mbow a été « un grand défenseur du multilatéralisme », a ainsi réagi le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, dans un message posté sur le réseau social X (anciennement Twitter) où il parle de sa « profonde émotion » en apprenant la nouvelle. « C’est un des patriarches de la Nation sénégalaise qui s’est éteint, en laissant un héritage inestimable, marqué par son combat pour une justice éducative et culturelle mondiale », a déclaré le président Faye, soulignant notamment qu’il a été directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco).
![Tweet du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye rendant hommage à l'intellectuel et homme politique sénégalais Amadou Mahtar Mbow le 24 septembre 2024. (Capture d'écran : Ouestaf)](https://www.ouestaf.com/wp-content/uploads/2024/09/Ouestaf_Illustration-001_Article-Senegal-deces-Amadou-Mahtar-Mbow.png)
Sur la même plateforme, l’ancien président sénégalais (2012-2024) Macky Sall a salué la contribution de M. Mbow « au développement de l’éducation, de la science et de la culture à l’échelle mondiale est significative ». Aujourd’hui, a ajouté Macky Sall, leadership qu’il a incarné et les initiatives qu’il a portées « ont façonné des générations » de jeunes africains, influencent des « politiques publiques » et soutiennent les luttes « pour un monde plus inclusif et éclairé ».
Acteur de la lutte pour l’indépendance
Peu après sa naissance à Dakar, Amadou Mahtar Mbow a été envoyé par sa famille à Louga, dans le nord du Sénégal, où il a grandi, d’après des archives de l’Unesco et sa biographie officielle. Formé au Maroc comme mécanicien électricien d’aviation, il s’est engagé volontairement dans l’armée française pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a ensuite étudié en France, devenant un acteur de la lutte pour l’indépendance, avant d’enseigner notamment en Mauritanie et au Sénégal. Il a prolongé son militantisme sur la scène politique sénégalaise au lendemain de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale. Il y fut député, ministre de l’Éducation nationale entre 1966 et 1968, puis de la Culture et de la Jeunesse jusqu’en 1970.
Longtemps hors de son pays pour les besoins de ses activités professionnelles et universitaires, c’est au Sénégal qu’il consacra ses dernières énergies avec la tenue, sous son leadership, des Assises nationales de 2008-2009. Une sorte de « Congrès populaire » pour jeter les bases d’une refondation politique et institutionnelle du Sénégal à travers une Commission nationale de réforme des institutions (CNRI). La plupart des acteurs politiques, mouvements citoyens et organisations de la société civile signèrent publiquement la charte issue de ces Assises mais s’empressèrent de la ranger aux oubliettes. Une déception que le « Patriarche » digéra mal, selon nombre de ses proches.
Amadou Mahtar Mbow aura « traversé la vie utilement », a souligné l’ex-président sénégalais Macky Sall, qui a donné son nom à l’université de la ville de Diamniadio (à une quarantaine de km de Dakar) inaugurée en décembre 2022.
![Tweet de l'ancien président sénégalais Macky Sall rendant hommage à l'intellectuel et homme politique sénégalais Amadou Mahtar Mbow le 24 septembre 2024. (Capture d'écran : Ouestaf)](https://www.ouestaf.com/wp-content/uploads/2024/09/Ouestaf_Illustration-003_Article-Senegal-deces-Amadou-Mahtar-Mbow.png)
« Un intellectuel à la vaste culture »
À la tête de l’Unesco de 1974 à 1987, M. Mbow batailla longuement pour l’instauration d’un Nouvel ordre mondial de l’information et de la culture (Nomic) plus juste, en particulier en faveur des pays en développement d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud. Cette initiative provoqua la colère des États-Unis et de certains de leurs alliés occidentaux, puis leur départ de l’institution onusienne. Elle précipita en même temps la démission d’Amadou Mahtar Mbow.
Avec le décès d’Amadou Mahtar Mbow, « un intellectuel à la vaste culture s’est éteint », a noté le Sénégalais Lat Soucabé Mbow, professeur agrégé en géographie et enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar, sur sa page Facebook. « Il avait intériorisé les valeurs de dignité et d’abnégation reçues des siens d’extraction sociale modeste pour les marier intelligemment avec les exigences du monde des temps modernes », a-t-il ajouté.
« Nous perdons un grand homme que j’ai eu l’honneur de côtoyer brièvement lors des Assises nationales », a de son côté affirmé le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko dans un message également publié sur le réseau social X. « Grand intellectuel et homme de culture, (Amadou Mahtar Mbow) a consacré sa vie à notre Nation et à l’Afrique. Son parcours exceptionnel, de ses débuts à Dakar à son rôle à la tête de l’Unesco, témoigne de son dévouement et de sa vision. »
![Tweet du Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko rendant hommage à l'intellectuel et homme politique sénégalais Amadou Mahtar Mbow le 24 septembre 2024. (Capture d'écran : Ouestaf)](https://www.ouestaf.com/wp-content/uploads/2024/09/Ouestaf_Illustration-002_Article-Senegal-deces-Amadou-Mahtar-Mbow.png)
Une « vie utile »
Le passage d’Amadou Mahtar Mbow à l’Unesco et ses combats pour l’émancipation des gens de l’humanité n’indiffèrent personne au Sénégal.
C’est le cas de Demba Guèye, spécialiste sénégalais en communication digitale. « Ce grand homme qui fut un fervent défenseur de l’éducation, de la justice sociale et du patrimoine culturel mondial laisse derrière lui une empreinte indélébile dans le cœur de millions de personnes à travers le monde », a réagi M. Guèye sur l’ex-Twitter.
Idem pour le journaliste Mademba Ndiaye, qui a travaillé au Sénégal avant et après l’avènement de la presse privée avant s’occuper de la communication d’une institution internationale à Dakar, par ailleurs connaisseur des acteurs de la vie politique du Sénégal et de ses coulisses. Amadou Mahtar Mbow « quitte un monde dont il a été le serviteur toute sa vie. À 103 ans, il peut reposer en paix », a écrit M. Ndiaye dans un message partagé sur ses comptes de réseaux sociaux, non sans rapporter une anecdote vécue avec lui, lors d’une tournée au Sénégal dans le cadre de la mise en place d’un projet destiné à retirer les enfants de la rue. « Il fut bon, celui qui, dans les années 2003, assis à ses côtés dans un bus (…) , me montra du doigt son village ! Njallaxaar a perdu son Mahtaar et nous toutes et tous, notre boussole ! Repose en paix, Patriarche. Sa dund amnë jariiñ » (« ta vie a été utile », en wolof, une des langues nationales du Sénégal).
Njallaxaar est la transcription en wolof de Ndialakhar, dans la région de Saint-Louis (nord du Sénégal).
Plusieurs voix hors du Sénégal se sont jointes au concert d’hommages à Amadou Mahtar Mbow.
Le président de la Commission de l’Union africaine (UA), le Tchadien Moussa Faki Mahamat, a ainsi qualifié Amadou Mahtar Mbow de « géant de la culture », selon l’ Agence de presse africaine (APAnews).
Quant au représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU et chef du Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (Unowas), Leonardo Santos Simão, il a salué « la mémoire d’un homme engagé pour le développement de l’Afrique », d’après un message publié par l’Unowas sur l’ex-Twitter.
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