Par Hamadou Tidiane Sy, journaliste indépendant, Dakar
La plume est restée celle du journaliste: vive, alerte, soucieuse du détail. La démarche se situe à mi-chemin entre celle de l’historien et de l’analyste politique. Le livre est truffé d’enseignements, riches de petites anecdotes ainsi que de comparaisons et de pertinentes analyses tant économiques, politiques que géopolitiques.
"Chine Afrique le dragon et l’autruche" du journaliste et écrivain Adama Gaye, c’est aussi le cri de coeur d’un Africain. On pourrait dire la révolte d’un passionné d’Afrique.
Le tableau qu’il décrit est celui des convulsions d’un continent qui peine encore à sortir de la misère, là où toutes les autres parties du monde progressent. Et dans ce tableau comparatif, la Chine sert à la fois de prétexte et de miroir pour mieux juger les patents échecs africains.
Fin observateur de la scène politique en Afrique, doublé d’un connaisseur de ses grands regroupements régionaux l’auteur, au grès des pages, nous mène du Caire au Cap, de conférences partisanes en réunions panafricaines, pour nous en livrer la quintessence.
De la défunte Organisation de l’Unité africaine (OUA) à la balbutiante Union africaine (UA) actuelle, en passant par (l’agonisant ?) NEPAD, le plan de Lagos oublié depuis, le marché commun africain remis aux calendes… africaines, etc., la plume du journaliste traverse les décennies, se promène dans les couloirs des grandes réunions internationales, puis dissèque les multiples tentatives de sortie de crise testées dans le laboratoire Afrique, d’où –c’est peu dire – aucun miracle n’est encore sorti (P 155 à 184).
Et lorsque l’auteur décrit la crise actuelle qui sévit sur le continent, le tableau est lugubre. "Le cocktail qui a précipité la descente aux enfers n’est pourtant que le prolongement d’une longue tradition de périodes sombres qui, depuis toujours rythment son existence (…) Elle s’ajoute aux malheurs qu’elle a déjà connu : l’esclavage, le colonialisme ou encore les désillusions des premières années d’indépendance (…) La nouvelle nuit que vit l’Afrique se manifeste par des symptômes qui constituent un net départ par rapport à ses difficultés antérieures. Cette fois, l’imprévoyance des dirigeants africains, l’incapacité de beaucoup d’entre eux à comprendre les enjeux modernes et leur manque de réponse appropriée, fondée sur l’équité, face à une crise dont l’ampleur était prévisible, ont été déterminants." (Page 111).
Ainsi, de verdicts sévères en anecdotes croustillantes, l’auteur fini par nous convaincre de ce que le Pr Stanislas Adotévi nommerait volontiers la "bouffonnerie" des Etats africains et des chefs successifs qui les ont dirigés depuis les années d’indépendance.
Si l’on se limitait à ces pages-là, on pourrait allègrement classer l’auteur dans la catégorie des afro – pessimistes invétérés tant par moment la sentence semble sans appel. Ce serait alors ignorer le principe qui veut que : "qui aime bien, châtie bien".
C’est justement cet amour pour le continent, qui donne prétexte aux deux portraits croisés de la Chine d’une part et de l’Afrique de l’autre.
D’un côté un pays continent qui "poursuit son ascension" et de l’autre une Afrique qui "continue d’afficher son affligeante impuissance".
Et là s’arrête le fatalisme! L’espoir d’une renaissance africaine de pointer. Une renaissance non pas calquée sur le modèle du dragon chinois. La renaissance, si jamais elle doit avoir lieu, devrait plutôt s’inspirer astucieusement de ce géant qui ne finit pas d’étonner chercheurs et analystes du XXI siècle par ses capacités.
"L’autruche africaine devra sortir la tête du sable pour se donner les attributs du caméléon. Pour se muer en caméléon, elle devra vaincre son impuissance. Et ce pourrait -être un nouveau rendez-vous avec le destin pour l’Afrique (…) le bon sens peut l’aider cette foi-ci à réussir". (P. 285)
Il ne s’agit pas d’un optimisme béat pour l’auteur qui se refuse à toute illusion lorsqu’il pronostique que le sauvetage de l’Afrique prendra au « moins une génération », et ceci à condition de prendre ses « problèmes à bras le corps ».
Dans cette tentative de trouver des issues de secours, l’auteur apporte sa petite contribution en dégageant des pistes de réflexions, parmi lesquelles justement la coopération sino-africaine.
Mais il fait vite d’annoncer que là aussi, il ne s’agira ni d’une panacée, ni d’un miracle, encore mois d’un cadeau servi sur un plateau d’argent.
En définitive, défend Adama Gaye, sur ce terrain aussi, il va falloir faire preuve de vigilance et de perspicacité. Deux atouts qui ont jusque là manqué à l’Afrique et qui aujourd’hui encore en paie le prix.
Au-delà des simples relations sino-africaines, le livre a le mérite de poser le débat sur la place de l’Afrique dans le monde contemporain (et par ricochet dans celui encore plus complexe de demain) par delà les intérêts particuliers, partisans ou nationaux.
"Chine Afrique le dragon et l’autruche" du journaliste et écrivain Adama Gaye, c’est aussi le cri de coeur d’un Africain. On pourrait dire la révolte d’un passionné d’Afrique.
Le tableau qu’il décrit est celui des convulsions d’un continent qui peine encore à sortir de la misère, là où toutes les autres parties du monde progressent. Et dans ce tableau comparatif, la Chine sert à la fois de prétexte et de miroir pour mieux juger les patents échecs africains.
Fin observateur de la scène politique en Afrique, doublé d’un connaisseur de ses grands regroupements régionaux l’auteur, au grès des pages, nous mène du Caire au Cap, de conférences partisanes en réunions panafricaines, pour nous en livrer la quintessence.
De la défunte Organisation de l’Unité africaine (OUA) à la balbutiante Union africaine (UA) actuelle, en passant par (l’agonisant ?) NEPAD, le plan de Lagos oublié depuis, le marché commun africain remis aux calendes… africaines, etc., la plume du journaliste traverse les décennies, se promène dans les couloirs des grandes réunions internationales, puis dissèque les multiples tentatives de sortie de crise testées dans le laboratoire Afrique, d’où –c’est peu dire – aucun miracle n’est encore sorti (P 155 à 184).
Et lorsque l’auteur décrit la crise actuelle qui sévit sur le continent, le tableau est lugubre. "Le cocktail qui a précipité la descente aux enfers n’est pourtant que le prolongement d’une longue tradition de périodes sombres qui, depuis toujours rythment son existence (…) Elle s’ajoute aux malheurs qu’elle a déjà connu : l’esclavage, le colonialisme ou encore les désillusions des premières années d’indépendance (…) La nouvelle nuit que vit l’Afrique se manifeste par des symptômes qui constituent un net départ par rapport à ses difficultés antérieures. Cette fois, l’imprévoyance des dirigeants africains, l’incapacité de beaucoup d’entre eux à comprendre les enjeux modernes et leur manque de réponse appropriée, fondée sur l’équité, face à une crise dont l’ampleur était prévisible, ont été déterminants." (Page 111).
Ainsi, de verdicts sévères en anecdotes croustillantes, l’auteur fini par nous convaincre de ce que le Pr Stanislas Adotévi nommerait volontiers la "bouffonnerie" des Etats africains et des chefs successifs qui les ont dirigés depuis les années d’indépendance.
Si l’on se limitait à ces pages-là, on pourrait allègrement classer l’auteur dans la catégorie des afro – pessimistes invétérés tant par moment la sentence semble sans appel. Ce serait alors ignorer le principe qui veut que : "qui aime bien, châtie bien".
C’est justement cet amour pour le continent, qui donne prétexte aux deux portraits croisés de la Chine d’une part et de l’Afrique de l’autre.
D’un côté un pays continent qui "poursuit son ascension" et de l’autre une Afrique qui "continue d’afficher son affligeante impuissance".
Et là s’arrête le fatalisme! L’espoir d’une renaissance africaine de pointer. Une renaissance non pas calquée sur le modèle du dragon chinois. La renaissance, si jamais elle doit avoir lieu, devrait plutôt s’inspirer astucieusement de ce géant qui ne finit pas d’étonner chercheurs et analystes du XXI siècle par ses capacités.
"L’autruche africaine devra sortir la tête du sable pour se donner les attributs du caméléon. Pour se muer en caméléon, elle devra vaincre son impuissance. Et ce pourrait -être un nouveau rendez-vous avec le destin pour l’Afrique (…) le bon sens peut l’aider cette foi-ci à réussir". (P. 285)
Il ne s’agit pas d’un optimisme béat pour l’auteur qui se refuse à toute illusion lorsqu’il pronostique que le sauvetage de l’Afrique prendra au « moins une génération », et ceci à condition de prendre ses « problèmes à bras le corps ».
Dans cette tentative de trouver des issues de secours, l’auteur apporte sa petite contribution en dégageant des pistes de réflexions, parmi lesquelles justement la coopération sino-africaine.
Mais il fait vite d’annoncer que là aussi, il ne s’agira ni d’une panacée, ni d’un miracle, encore mois d’un cadeau servi sur un plateau d’argent.
En définitive, défend Adama Gaye, sur ce terrain aussi, il va falloir faire preuve de vigilance et de perspicacité. Deux atouts qui ont jusque là manqué à l’Afrique et qui aujourd’hui encore en paie le prix.
Au-delà des simples relations sino-africaines, le livre a le mérite de poser le débat sur la place de l’Afrique dans le monde contemporain (et par ricochet dans celui encore plus complexe de demain) par delà les intérêts particuliers, partisans ou nationaux.
Chine Afrique : le dragon et l’autruche
Adama Gaye
Editions L’harmattan, 2006,
294 pages,
Prix : 25,5 euros.
* Hamadou Tidiane SY, est un journaliste sénégalais indépendant basé à Dakar. Il travaille surtout pour les médias internationaux, notamment anglais, américains et sud africains.
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