Ouestafnews – « Le sang qui est prélevé à partir des patients guéris de Covid-19 contient beaucoup d’anticorps et lorsqu’il est transfusé à ceux qui souffrent de Covid-19, il permet de renforcer leur système immunitaire ». Les propos sont ceux du Directeur du Centre national de transfusion sanguine du Sénégal (CNTS), Pr Saliou Diop. Qu’en est-il ? Ouestaf News a vérifié.
Le Pr Saliou Diop s’exprimait le 25 août 2021 en marge du point quotidien sur la situation épidémiologique nationale. Ses propos ont été rapportés par intelligence Info, un média sénégalais en ligne.
Ouestaf News a tenté de joindre le professeur Saliou Diop par téléphone et par sms. Mais il a demandé que le lien de l’article contenant la déclaration lui soit envoyé par mail. Ce qui fut fait en y ajoutant des questions. Ouestaf News n’a obtenu aucune réponse de sa part jusqu’au moment de la publication de cet article.
A propos des anticorps
« Les anticorps sont des protéines qui aident notre corps à combattre les infections », indique le Health desk, un consortium international regroupant des experts et chercheurs en santé.
Dans un article intitulé Que savons-nous des transfusions sanguines pour le traitement du COVID-19 ? et publié sur son site, Health desk ajoute que « lorsqu’une personne se remet d’une infection, elle conserve souvent des anticorps qui l’aident à se protéger contre une nouvelle infection. La thérapie par plasma convalescent (PCC) consiste à utiliser les anticorps présents dans le plasma sanguin d’une personne pour protéger ou traiter d’autres personnes ».
L’injection du plasma issu des patients guéris d’une maladie peut permettre aux anticorps de reconnaitre le même virus chez les patients atteints de la même maladie, selon une étude publiée par Abbott, une entreprise pharmaceutique américaine. Les anticorps « peuvent favoriser l’immunité et empêcher la pénétration des cellules », selon la même étude intitulée « Les anticorps : utile dans la lutte contre la Covid-19 ». Les auteurs du document précisent même que « disposer d’un bon type d’anticorps en quantité suffisante permet en général d’éviter de tomber malade plusieurs fois à cause du même virus ».
Du plasma pour renforcer l’immunité ?
Les transfusions sanguines ne sont actuellement pas recommandées comme option de traitement pour les patients atteints de Covid-19, selon les experts de Health desk. D’après ce consortium d’experts en santé, « une étude portant sur des dizaines de milliers de patients a montré qu’il n’y avait pas d’avantages évidents à utiliser du plasma provenant de patients guéris pour traiter des patients malades, ce traitement potentiel a été largement abandonné ».
Cependant, d’autres études concluent que les anticorps, spécifiquement dirigés contre le Covid-19, pourraient conférer une immunité à des patients souffrant d’une forme plus ou moins sévère de la maladie. Cette hypothèse est confortée par une étude chinoise disponible en anglais, citée dans un article publié le 17 avril 2020 par le média en ligne, Le Temps. Cette étude démontre la faisabilité de la « transfusion de plasma convalescent (PC) pour sauver des patients sévères » de Covid-19.
L’expérience appliquée sur 10 cas d’adultes atteints de Covid-19 a montré « qu’une dose de 200 ml de PC était bien tolérée et pouvait augmenter ou maintenir significativement les anticorps neutralisants à un niveau élevé, entrainant la disparition de la virémie en 7 jours », d’après la même étude. Selon le Larousse, la virémie est la présence d’un virus dans le sang.
Par ailleurs, « si c’est une personne saine à qui l’on inocule, il ne se passera pas grand-chose. Les anticorps lui conféreront une immunité temporaire qui s’estompera rapidement, à mesure qu’ils seront éliminés par l’organisme », précise un article d’un quotidien québécois le Soleil numérique publié le 13 mars 2020. La même source ajoute que « si on l’inocule à un malade atteint du coronavirus, ça peut marcher, ça peut être un traitement efficace ».
Les anticorps ne suffisent pas
Même si la réponse en anticorps peut renforcer l’immunité du patient atteint de Covid, elle ne suffit pas à elle seule pour éliminer le virus. Selon un rapport réalisé par la Haute autorité de santé (HAS) de la France, intitulé « Place des tests sérologiques dans la stratégie de prise en charge de la maladie Covid-19 », consulté par Ouestaf News, « la séroconversion (phase d’une maladie infectieuse lors de laquelle les anticorps apparaissent suffisamment dans le sang pour qu’on puisse les doser) n’est pas accompagnée de l’élimination abrupte du virus, mais d’un déclin régulier de la charge virale ».
Le rapport de la HAS indique qu’environ 50 % des cas de patients Covid-19 avec des symptômes modérés présentent une séroconversion entre J7-J11 après le début des symptômes. « Le taux de séroconversion chez les patients symptomatiques semble important avec un pic à J14. Chez les patients avec des symptômes légers, le pic d’anticorps semble décalé comme cela a été observé au cours de l’infection par Sars-Cov ».
Pour ceux hospitalisés avec des formes sévères, ils « présenteraient des anticorps entre 5-6 jours après les premiers symptômes avec une activité neutralisante à partir de 7-14 jours ».
Ces résultats se rapprochent plus de l’étude chinoise réalisée sur 173 patients chez lesquels seulement 40 % des cas avaient développé des anticorps à J7. Tous les patients présentaient des anticorps à J15.
Selon le rapport de la HAS, il n’y a pas suffisamment de recul pour apprécier la réponse immunitaire des patients infectés. Mais il est à noter que ceux ayant présenté une forme sévère développent des anticorps plus vite avec des chiffres plus importants que ceux ayant eu des symptômes modérés.
Le rapport semble être en phase avec les propos de l’hématologue béninois, Dr Romaric Massi. Lors d’un échange via WhatsApp accordé à Ouestaf News, l’hématologue estime que sur les formes modérées et légères, l’administration de plasma de convalescent semble n’avoir « aucun impact, ni sur le besoin d’admission en réanimation ni sur la mortalité ». De surcroit, d’après la même source, une revue littéraire portant sur 13 études incluant 48.509 participants fait au mois de mai 2021 tirait la sonnette d’alarme sur la question de l’efficacité de ce genre de traitement.
Après la Chine et les Etats Unis, la France a lancé un essai clinique de transfusion de plasma sanguin pour combattre le coronavirus. Le procédé consistait à transfuser du sang de patients guéris du Covid-19 à des malades qui pourraient bénéficier des anticorps des premiers, a déclaré Olivier Schwartz, directeur de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur de la France, lors de l’émission « La question du jour » , animée par Guillaume Erner consultable sur le site France culture.
Selon l‘actuel directeur scientifique de l’Institut Pasteur, « cet essai consiste à prélever du sang des patients guéris ou convalescents, car chez ces patients il y a une production d’anticorps qui va neutraliser le virus. On va voir si cette stratégie entraîne une diminution de la charge virale donc de la multiplication du virus chez les patients. »
M. Schwartz ne remet pas en question l’efficacité de la technique, mais souligne qu’il peut y avoir des effets secondaires dans certains cas. « Il faut savoir que cette technique, dans certains cas, peut avoir des effets secondaires dus à l’injection d’une certaine quantité de plasma, d’anticorps d’un autre individu », a-t-il précisé.
S’assurer de la qualité du produit et du titre en anticorps neutralisant dans les échantillons à injecter et « bien purifier les échantillons qui vont être injectés pour éviter d’injecter des virus ou d’autres substances par exemple » est, selon lui, très important. Car, il peut y avoir des réactions négatives au niveau du poumon et cela s’est « observé dans l’essai contre Ebola ».
Oui le plasma renforce l’immunité
L’affirmation selon laquelle « le sang qui est prélevé à partir des patients guéris de Covid-19 (…) permet de renforcer leur système immunitaire » est vraie. Cependant, d’après certains spécialistes, rapports et études consultés par Ouestaf News, l’efficacité du plasma prélevé chez des patients guéris ou convalescents du Covid n’est pas avérée chez les malades avec des formes légères ni chez les malades âgés de moins de 40 ans. Même si c’est le cas, l’efficacité dépend de la purification des échantillons, de la qualité du produit et du titre en anticorps à injecter.
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