Pour l’ex-responsable de l’OMC, également ancien conseiller aux négociations commerciales du Président de la Commission de la Cedeao, il existe au moins « cinq raisons de suspendre les négociations sur les Accords de partenariat économique ».
Parmi les raisons invoquées par M. Ouédraogo, figurent les « limites » du libéralisme, telles que révélées par la récente crise financière internationale.
« Le libéralisme triomphant des deux dernières décennies vient de montrer ses limites », écrit l’expert burkinabé dans une « analyse » publiée par l’hebdomadaire Jeune Afrique (basé à Paris).
« L’impact de cette crise a obligé les pays développés à se réorganiser en mettant l’accent sur le protectionnisme », affirme-t-il.
L’un des principaux arguments de l’Europe pour défendre les APE était la nécessité de « libéraliser » les marchés africains, afin de les aider à « s’intégrer dans le commerce mondial », ce qui aiderait au développement de leurs économies.
Des économistes africains, soutenus par les syndicats et la société civile, rejettent cette hypothèse en affirmant que l’ouverture prônée par l’Europe anéantirait la capacité de production de l’Afrique et donnerait un coup fatal au tissu industriel déjà très faible du continent.
L’autre argument avancé par Ablassé Ouédraogo, est la promesse faite par l’Europe de fournir de l’argent pour compenser les pertes que pourraient éventuellement subir les économies africaines, comme le réclament d’ailleurs certains chefs d’Etat africains qui veulent d’APE couplés au « développement ».
« Nul n’est suffisamment dupe pour croire que l’Europe trouvera de ‘l’argent frais additionnel’ pour financer ‘le programme des APE pour le développement’ même si on l’espère encore en Afrique de l’Ouest», argumente le ressortissant burkinabè.
Pour cet expert, il importe aussi de se donner le temps, puisque la date butoir de décembre 2007, qui
avait été fixée au départ pour la signature des APE a été dépassé « et rien n’a changé dans (les) rapports commerciaux » entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest.
L’autre raison invoquée est la dislocation par l’Union Européenne (UE) du groupe des ACP, en vue de les fragiliser dans le processus de négociations.
« L’organisation de ces négociations APE a tout simplement consacré lé déséquilibre de pouvoir économique entre l’UE et les ACP. Ces derniers morcelés en blocs, font face à la plus puissante et la plus expérimentée des structures de négociations, la Commission européenne », écrit l’ex-DG adjoint de l’OMC.
Enfin, plaide l’expert, le processus d’intégration régionale en Afrique, amorcé depuis plus de trente ans « est loin d ‘être achevé » et « la libéralisation imposée par les APE pourrait accentuer (l‘) extraversion des économies africaines et annihiler les efforts titanesques entrepris par les organisations sous-régionales ».
En dépit de la forte pression européenne et du chantage sur la suspension de l’aide brandie lors des négociations par l’ex-commissaire au développement (le Belge Louis Michel), les APE ont – pour la première fois depuis les indépendances des pays africains dans les années 60 – vu l’Afrique opposer un refus à une proposition européenne.
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