Cop 21 : « l’Afrique doit être très ferme et se préparer à un long combat» (Expert)

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Ouestafnews – La date fatidique la COP21 de Paris approche, quelles doivent être d’après vous, les exigences de l’Afrique, continent qui pollue le moins et qui subit le plus les effets du changement climatique ?

Aliou Diouf – Les pays africains doivent mettre l’accent sur le financement du fonds climat (pour) que les pays développés respectent leur engagement des 100 milliards de dollars par an qu’ils ont décidé de fournir pour aider les pays en développement à s’adapter. D’un autre coté il faut que les pays développés respectent leur engagement en terme de réduction d’émissions parce qu’une chose et de mettre de l’argent dans le fonds climat, une autre est de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Il faut aussi aider les pays africains à maintenir leurs émissions à un niveau presque insignifiant en leur permettant d’accéder à la technologie verte. On ne peut pas nous demander de ne pas commettre l’erreur que les pays du nord ont commise sans qu’on nous aide réellement à accéder aux technologies qui permettent d’éviter la mauvaise trajectoire que ces pays développés ont empruntée.

Si on veut que l’Afrique prenne la trajectoire du développement durable, il faut d’abord reconnaître que nous avons un certain retard technologique à combler par le transfert de technologie qui, à mon avis, doit être une solution à court terme, parce que les pays africains doivent eux aussi développer la technologie dans leur curricula éducatifs de sorte qu’ils ne soient pas là à tout attendre des pays développés.

De mon point de vue, il y a donc ces trois axes sur lesquels nous devons insister durant la COP21, mettre l’accent sur le fonds climat, amener les pays développés à respecter leur engagement en matière de réduction des gaz à effet de serre et aussi faire bénéficier à l’Afrique du transfert de technologie.

Ouestafnews – le fonds climat revient souvent dans les débats mais 100 milliards de dollars, est-ce suffisant pour soutenir les efforts d’adaptation et de résilience face au réchauffement climatique ?

Aliou Diouf – Bon, il faut certes relativiser. Je pense même que 200 milliards ne suffiraient pas ; parce que le développement est un processus dynamique, et par conséquent pose toujours de nouveaux défis. Mais les 100 milliards ne sont pas arrêtés sans bases objectives, (ils sont basés) sur les besoins réels d’adaptation des pays. Du coup, si cet argent était au rendez-vous et bien réparti, selon les besoins des pays et que ces derniers aussi les utilisent pour atteindre les objectifs visés, c’est sûr qu’on verra une réduction de la vulnérabilité face aux effets du réchauffement.

Et comme vous l’avez dit, il faut parvenir à un état de résilience, cela veut dire être à un état de développement qui nous permet de nous rétablir rapidement si on est touché par un aléa. Parce que la résilience ne veut pas dire absence d’impacts négatifs, elle implique et prend en compte le fait qu’on soit exposé aux dommages. Ce stade de résilience nous n’y sommes pas encore en Afrique mais je suis convaincu que si le fonds climat est utilisé à bon escient, on peut effectivement y parvenir. Il faut aussi que nous gouvernements y mettent de l’argent parce que je ne crois pas qu’on doit se baser uniquement sur l’occident pour lutter contre le changement climatique.

Ouestafnews – L’accord préparatoire publié par l’ONU durant le mois d’octobre 2015 a été rejeté par les pays africains, parce qu’entre autres raisons, les énergies renouvelables n’y figurent pas, n’est-ce pas problématique pour l’économie verte ?

Aliou Diouf – Oui, c’est effectivement problématique, dans la mesure où la lutte contre le changement climatique ne peut se passer ailleurs qu’à travers les énergies renouvelables. Or les technologies qui permettent d’y accéder sont détenues par les pays développés qui en réalité ne veulent pas que le gap technologique qui nous sépare d’eux soit comblé, c’est ça le problème.

L’effort de réduction qu’ils nous demandent nécessite la possession de cette technologie. Pour le moment nous ne sommes pas, nous Africains, en mesure de réduire les émissions de gaz à effet de serre, on ne peut le faire pour le moment sans les pays développés, qui d’ailleurs ont l’obligation d’apporter leur contribution, dans la mesure où ils sont à la base de ce changement climatique qui nous affecte aujourd’hui.

Je pense que les Africains doivent être très fermes dans leur position parce que cette COP21, (c’est) soit ça passe ou ça casse. Il faut qu’on s’installe dans un cycle de développement durable ou bien qu’on prenne une trajectoire qui mène au chaos et nous tous nous allons périr.

Ouestafnews – Quels sont les secteurs les plus touchés par le changement climatique au niveau de pays sahéliens comme le Sénégal ?

Aliou Diouf – Ce n’est nul autre que l’agriculture, parce que c’est le secteur qui concentre le plus de populations. Dans tous ces pays du Sahel, Mali, Niger, Tchad, Sénégal, Burkina Faso… au minimum 60 % des populations sont agricoles. Il s’agit d’une agriculture pluviale, et il est constaté que cette pluie à laquelle nous dépendons devient de plus en plus aléatoire. On ne maitrise plus les dates de démarrage et de fin de la saison, Vous voyez le cas de Dakar, il a plu jusqu’à fin octobre alors que les pluies s’arrêtaient fin septembre. La répartition des pluies pose également problème aujourd’hui, il arrive que 80% de l’eau (de pluie) tombe dans une courte période et ça c’est extrêmement dangereux pour l’agriculture, parce que les cultures ont besoin d’une bonne répartition des pluies tout comme elles ont besoin de soleil.

Donc l’agriculture est la principale victime du réchauffement climatique et quand je dis agriculture, je mets aussi l’élevage dedans, ce sont deux principales activités pourvoyeuses de revenus dans le Sahel mais qui dépendent directement de la pluie.

Ouestafnews – Vous semblez plutôt pessimiste quand à l’atteinte d’un accord global à Paris ?

Aliou Diouf – Je suis optimiste de nature mais je suis aussi réaliste. Actuellement nous sommes comme dans une situation où nous n’avons pas le choix, il faut que chacun soit raisonnable et sache qu’il y a un devoir de solidarité. Ce n’est pas nous faire un privilège (que de mettre) 100 milliards de dollars sur la table, encore moins de nous transférer la technologie. Ce sont les pays développés qui sont à l’origine de la situation actuelle, qu’ils contribuent à payer, nous, nous payons déjà les dégâts. Encore une fois les Africains doivent être très fermes et surtout se préparer à un long combat, parce que les occidentaux sont très forts dans le combat à l’usure. Il y a un minimum pour qu’il y ait un accord, dans le cas contraire que l’Afrique ne signe pas, c’est tout.

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