Ouestafnews – La pandémie de Covid-19 a touché de plein fouet le système éducatif. En Afrique de l’Ouest, particulièrement dans les pays du Sahel, le Covid-19 a accentué les effets de la crise que traverse ce secteur depuis des années, en raison d’une insécurité devenue endémique. L’apprentissage à distance initié par certains gouvernements pour assurer la continuité des cours, est malheureusement loin d’avoir apporté la solution rêvée.
Compenser l’arrêt des cours par l’enseignement à distance n’a pas eu les résultats escomptés dans certains Etats d’Afrique de l’ouest. C’est l’avis de quelques syndicalistes interrogés par Ouestaf News, dans le cadre d’un débat sur la question de l’éducation à l’heure du Covid.
Pour freiner la propagation du Covid-19 certains pays ont, en partie ou totalement, fermé les écoles et ont initié l’enseignement à distance pour assurer la continuité des cours, notamment par des programmes radiophoniques, télévisuels, en ligne, etc.
Au Mali, « l’enseignement en ligne initié par les autorités n’a pas eu les résultats escomptés parce que la communauté éducative n’a pas été suffisamment associée (au) processus », regrette le secrétaire général du Syndicat national des enseignants fonctionnaires des collectivités territoriales du Mali, Ousmane Almoudou.
Au Niger, l’option n’a même pas atteint la phase opérationnelle. « Les cours en ligne n’ont pas pu être organisés dans les universités du pays », note Halidou Mounkaïla, Secrétaire général du Syndicat national des enseignants fonctionnaires de l’éducation de base du Niger.
Les deux syndicalistes intervenaient lors d’un débat en ligne organisé le 29 décembre 2020 par Ouestaf News dans le cadre de son « Forum Ouestaf » sur le thème : « les effets de la pandémie du Covid-19 sur les systèmes éducatifs au Niger, Mali et Burkina Faso ».
L’enseignement à distance au Mali a été mis en place pour permettre aux élèves de continuer les apprentissages mais « aussi de rattraper l’année scolaire qui était déjà perdue », explique Ousmane Almoudou.
Selon lui, les autorités maliennes avaient procédé lors de la mise en œuvre de cette initiative à un « recrutement de volontaires » enseignants pour « les substituer au personnel enseignant qui était en grève ». Ces volontaires étaient donc déjà dans le circuit pour pallier une première crise : la longue grève des enseignants.
De décembre 2019 au 13 mars 2020, un groupe de sept syndicats d’enseignants étaient partis en grève pour réclamer la hausse de leurs salaires. Pour pallier le déficit d’enseignants, en janvier 2020, le gouvernement malien avait ouvert une procédure de recrutement de 15.300 enseignants volontaires, quelques semaines après le début de ce mouvement de grève.
« Malheureusement tout cela n’a pas été fait. Ce qui a amené les autorités, après un accord avec les enseignants, à prolonger l’année scolaire jusqu’en décembre », rappelle le syndicaliste.
Défaut d’accès à Internet
L’enseignement à distance requiert des préalables dont ne disposent pas tous les bénéficiaires. Dans un document intitulé « Réponse du secteur de l’éducation au Covid-19 au Mali », le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) souligne que « les plus pauvres et les personnes vivant dans les endroits reculés risquent d’être lésés (…) », dans ces programmes d’apprentissage à distance.
Mme Tchari Falmata, inspectrice de l’éducation au Niger confirme la crainte de l’Unicef : « les étudiants nigériens n’ont pas pu suivre les cours en ligne. L’option n’a pas fonctionné parce que de nombreux étudiants ne sont pas en possession d’ordinateur portable ».
Pour l’inspectrice de l’éducation, l’enseignement en ligne « ne peut atteindre qu’une fraction d’élèves ou d’étudiants ». De ce fait, elle invite « l’Etat du Niger à doter gratuitement les étudiants d’ordinateurs portables pour leur permettre de suivre des cours en ligne ».
Son compatriote et Secrétaire général du Syndicat national des enseignants fonctionnaires de l’éducation de base du Niger, Halidou Mounkaïla, pense que le projet de cours en ligne « n’est tout simplement pas réaliste au Niger ».
A preuve, les chiffres de Internet World Stats révèle qu’au Niger, le taux de pénétration de l’Internet, en septembre 2020, était de 11,5% et le nombre d’utilisateurs de 2,78 millions, pour une population estimée à un peu plus de 20 millions d’habitants.
Un communiqué de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) en date du 21 avril 2020 indique qu’« en Afrique subsaharienne, 89% des apprenants n’ont pas accès aux ordinateurs familiaux et 82% n’ont pas (accès à) Internet ». L’institution internationale conclut qu’il y a une « fracture numérique préoccupante » qui ne favorise pas l’enseignement à distance.
A la télé et à la radio, ça coince aussi
A l’instar du Niger et du Mali, le Burkina a eu recours à l’enseignement à distance. « L’arrêt provisoire des cours a touché 5 130 730 élèves/apprenants du formel et du non formel, 122 810 enseignants et 20 754 établissements scolaires », indique un rapport d’enquête de la Coordination du Cluster Education, intitulé « Impact du COVID-19 sur l’éducation ».
Le Cluster Education est un groupe d’organisations présidé par le Ministère de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la promotion des Langues nationales du Burkina Faso avec le soutien de l’Unicef et de Plan International. Son objectif est d’assurer l’accès à une éducation inclusive et pertinente, de qualité, dans un environnement d’apprentissage sûr et protecteur, pour toutes les filles et tous les garçons de 3 à 18 ans, affectés par une catastrophe naturelle ou par un conflit.
Le gouvernement burkinabé a ainsi adopté un plan de riposte, en initiant l’enseignement par la radio et la télé pour assurer la continuité des cours, suite à la fermeture des écoles le 16 mars 2020.
« Nous enregistrons les enseignements, que nous diffusions à la télévision. C’est essentiellement les matières de base : mathématique, physique-chimie, philosophie et français », et pour les classes d’examen, témoigne le directeur de la chaîne de télévision privée Burkina info, Ismaëla Ouédraogo, cité par AfricaNews.
Plus précis, le rapport d’enquête de la Coordination du Cluster Education, réalisé entre avril et mai 2020 et publié le 31 août, ajoute « que 33% des répondants affirment que l’éducation par la radio est fonctionnelle dans leurs zones de couverture alors que 33% autres disent que le fonctionnement est partiel ». L’auteur du rapport recommande alors « de rendre ce fonctionnement effectif pour augmenter le nombre des bénéficiaires ».
La même étude indique que pour ce qui concerne la disponibilité des nouveaux services éducatifs (par exemple les jeux et les apprentissages temporaires), seuls 17% des répondants affirment les avoir mis en place.
En 2019, selon le ministère burkinabé de la Communication, le taux de couverture de la Télévision numérique terrestre tournait autour de 98%.
Bien avant le covid-19, et depuis une décennie, les pays de la zone sahélienne, notamment le Burkina Faso, le Mali et le Niger, vivent une crise sécuritaire permanente qui a sérieusement affecté leurs systèmes éducatifs.
Entre janvier et juillet 2020, « plus de 85 attaques » contre des établissements scolaires au Burkina Faso, au Mali et au Niger ont été enregistrées, selon un rapport de la Coalition mondiale pour la protection de l’éducation contre les attaques (GCPEA, en anglais). Le rapport publié en septembre 2020 s’intitule : « Soutenir une éducation sûre dans le Sahel central ».
Ces attaques contre les écoles en période de Covid-19, s’ajoutent à un bilan déjà lourd du fait de l’insécurité. Au Burkina Faso et au Niger, les attaques contre les établissements scolaires ont plus que doublé entre 2018 et 2019, « contribuant à la fermeture de plus de 2.000 écoles ». Au Mali, plus de 60 attaques « ont eu lieu en 2019 seulement, avec plus de 1.100 écoles fermées », selon les chiffres de la GCPEA.
Selon un récent rapport de l’ONG Save the Children intitulé « Sauvons notre éducation en Afrique de l’ouest et du centre », « les conflits armés, les déplacements forcés et les crises prolongées ont perturbé l’éducation de millions d’enfants et de jeunes dans les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre ».
ON/FD/ts
Vous voulez réagir à cet article ou nous signaler une erreur, envoyez nous un mail à info[@]ouestaf.com