On a grandi avec trois photos de Nelson Mandela. L’une avait un cachet quasiment officiel, avec sa tête aux trois-quarts et un soupçon de raie dans la chevelure qui rappelait celle de Lumumba. La deuxième le montrait avec son compagnon de lutte Walter Sisulu, devisant dans la cour du bagne de Robben Islands. La dernière fixait un boxeur en garde moyenne, campé sur ses jambes. Le cliché date des années 1950.
Madiba à 95 ans aujourd’hui. Derrière lui, une vie de combattant. Avec lui, un souffle de résistant – les vautours médiatiques qui campaient pour sa mort ont dû déchanter. Comme legs à la postérité, il laissera la détermination d’un homme du Juste.
Les Nations Unies ont fait de son anniversaire le Mandela Day. Tous les 18 juillet, l’humanité est appelée à s’inspirer de la grandeur de l’homme pour faire œuvre de solidarité, d’amour partagé pour la paix et d’action pour tout ce qui peut mener vers un monde meilleur.
Madiba est un tout, le monde du sport y a large part. Pour le symbole.
Mandela lui-même le dit : il n’a jamais été un grand boxeur. Aucune ligne à son nom ne figure dans une compétition officielle. Ce qui le poussait à monter entre les quatre rangées de corde réside plutôt dans la noblesse de l’art. «Je n’aimais pas la violence de la boxe, mais j’en appréciais la science», confie-t-il dans son autobiographie.
Madiba sait aussi ce que le sport apporte à la fraternité des peuples et on lui doit ce témoignage : «Le football, aussi bien que le rugby, le cricket et les autres sports collectifs, a le pouvoir de guérir les blessures.» Celles de l’âme et du cœur s’entendent.
Grâce à Mandela, l’Afrique du Sud d’aujourd’hui, en ce quelle est nation, est quelque part l’enfant de la Coupe du monde de rugby de 1995. Dans l’édification d’une société nouvelle, cet événement a été un catalyseur de premier ordre. Arrivé au pouvoir en 1994, Madiba voyait se mettre en place le scénario d’un désastre annoncé. Entre le radicalisme d’une Anc triomphante et l’extrémisme des tenants de l’apartheid, l’étincelle dévastatrice pouvait venir de n’importe où, de n’importe quoi, à tout moment.
Au cœur de ces antagonismes, il eut l’idée d’aller présider la finale du Mondial entre l’Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande. C’était envers et contre l’avis de ses proches, car le rugby était «affaire de Blancs», un des pires bastions de la ségrégation sportive. Dans un stade comble, par la magie de sa présence et la victoire des Springboks sur les All Blacks, la fusion fut totale.
C’est dans cet Ellis Park Stadium de Johannesburg que la «Nation arc-en-ciel» a commencé à harmoniser ses couleurs, à se trouver un destin commun par-delà les antagonismes et les haines, à réduire les différences et les déchirures cultivées par l’apartheid. Invictus, film de Clint Eastwood avec Morgan Freeman et Matt Damon, campe cet épisode de manière sublime.
En 2004, quand la Fifa décida de confier l’organisation du Mondial-2010 à l’Afrique du Sud, c’est encore la personnalité de Mandela qui fit la différence. Dix ans après la Coupe du monde de rugby, le symbole était fort pour un pays qui voulait exposer au monde une société réconciliée, encore traversée par de fortes inégalités entre les races et à l’intérieur de la communauté noire, mais loin du chaos que prédisaient les tenants d’une supériorité raciale blanche.
Mandela et le foot, c’est aussi la Can-1996. On se rappelle son sourire et sa danse chaloupée pour accompagner la chevauchée victorieuse des «Bafana Bafana».
Iconifié de son vivant, On ne compte plus les sportifs qui se sont agenouillés à ses pieds, dans son salon, pour la photo souvenir qui deviendra culte. Les plus grandes équipes du monde sont passées chez lui pour lui tendre un maillot floqué à son nom. Ray Sugar Leonard lui a offert une de ses ceintures de champion du monde. Tyson lui a laissé des gants et Muhammad Ali lui a tendu son menton pour qu’il y place un coup.
Il y a du Madiba en chaque sportif. Pour ce Mandela Day, on est fort aise pour lui chanter «Happy Birthday».
*Tidiane KASSE, journaliste sénégalais, directeur du quotidien Waa Sports
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