certains associeront au prénom qui est le sien, Goodluck (Bonne chance, en anglais).
A son arrivée au pouvoir, on le présente comme un homme à qui tout sourit, depuis les tendres années de l’école primaire, jusqu’à son arrivée au sommet de l’Etat. Et plouf, voilà que petit à petit son étoile pâlit et se fond dans le ténébreux magma sociopolitique nigérian.
Né en novembre 1957, dans l’Etat de Bayelsa dans le Delta du Niger, Goodluck Jonathan est issu d’une famille modeste où le métier de fabriquant de pirogues se perpétue de génération en génération. Échappant à ce sort prédestiné, le jeune Goodluck rejoint l’école primaire, un cursus scolaire et universitaire couronné par une thèse de doctorat en Zoologie, soutenue dans les années 90 à l’université de Port- Harcourt.
Réputé humble et prudent, ses qualités lui valent d’être remarqué par le gotha politique du riche Etat pétrolier de Bayelsa. Et le destin se met en branle !
Il deviendra ainsi vice-gouverneur entre 1991 et 2005, puis gouverneur. Alors qu’il s’apprêtait à battre campagne pour sa réélection à ce poste, une autre bonne surprise l’attendait dans les coulisses du People’s Democratic Party (PDP, au pouvoir).
A quelques mois de l’élection présidentielle, l’Etat-major du parti qui était à la recherche d’un co-listier moins flamboyant pour ne pas faire ombrage au taciturne candidat Umaru Yara’dua se rabat sur sa personne. Le ticket Yara’dua – Jonathan remporte le scrutin de mai 2007 et il devient Vice-président de la république fédérale du Nigeria.
A partir de février 2009, le président Yara’dua affaibli par des problèmes cardiaques est hospitalisé en Arabie saoudite où il mourra quatre mois après.
Goodluck Jonathan qui assurait les charges de président par intérim, sera élu à l’élection présidentielle
d’avril 2011 avec 57 % des voix. C’est l’apothéose d’une formidable ascension. Mais aussitôt après, s’ouvre une une période trouble pour ce président issu de l’ethnie minoritaire des Ijaw, contrairement à ses prédécesseurs.
La victoire électorale de Jonathan, fera l’effet d’un pavé dans la mare du PDP, en brisant net une règle non écrite au sein de ce parti où le leadership se partage tour à tour entre musulmans du nord et chrétiens du sud.
Auparavant sa candidature fut ouvertement attaquée par les cadres nordistes, qui réclamaient le pouvoir puisque Goodluck Jonathan avait terminé le mandat d’Umaru Yara’dua. Jonathan, voit aujourd’hui ses ambitions de réélection se heurter à ce clivage nord/sud.
Ses ambitions de réélection pour 2015 se heurtent à un puissant front du refus, beaucoup de cadres dont des sénateurs et gouverneurs du PDP sont partis rejoindre la grande coalition de l’opposition, le All People’s Congress (APC).
A ses problèmes politiques, Goodluck Jonathan doit ajouter l’enfer créé dans le nord du Nigeria par la secte Boko Haram, dont il avait sous-estimé la capacité de résilience et d’organisation d’après certains observateurs.
En juillet 2009, Boko Haram favorable à l’instauration de la Chariah (loi musulmane) dans le Nord du pays, subissait répression brutale de l’armée ayant couté la vie à son fondateur Muhamad Yusuf et à des centaines de ses partisans.
Mais très vite les insurgés se remobilisent et se signalent en décembre 2010 en revendiquant l’attaque d’une église à Jos, faisant 90 morts.
C’est le début d’une spirale d’attaques multiformes et très meurtrières et les bilans fournis par les organisations de défense des droits de l’Homme se déclinent en plusieurs milliers de morts.
Contesté au sein de son parti, voué aux gémonies par l’opposition, fusillé par la plume acerbe des éditorialistes et intellectuels comme le prix Nobel de littérature, Wole Soyinka qui lui reprochent son « piètre leadership », celui que l’on disait jadis « élu » des dieux, est plus que jamais dans l’œil du cyclone.
L’intervention militaire qu’il a ordonnée depuis mai 2013 dans le nord pour briser Boko Haram, n’ a donné aucun résultat concret.
Au contraire, la secte a nargué le gouvernement fédéral en revendiquant le rapt de plus de 200 lycéennes à Chibok à la mi-avril 2014.
Les militaires, supposés apporter la « réplique » aux insurgés de Boko Haram, sont démoralisés et sous équipés. Résultat, ils ont toujours une longueur de retard et se révèlent incapables de prévenir les actes de la secte.
Pour Amnesty international, l’armée était bien au courant qu’un vaste enlèvement se préparait à Chibok mais a préféré ne rien faire, preuve s’il en faut que le président ne dirige plus ses troupes.
Au lendemain de cet événement qui a ému le monde entier, le président Jonathan faisait aveu d’impuissance en appelant formellement à l’aide internationale pour retrouver les otages. A bientôt deux mois de captivité, les forces spéciales et les spécialistes du renseignement bombardés sur le sol nigérian par Washington et Londres, n’ont aucune piste sérieuse.
Et comme pour alimenter davantage, les critiques de l’opinion publique, le président Jonathan ne s’est toujours pas rendu à Chibok au chevet des parents éplorés. Pis encore, un nouveau rapt concernant une dizaine de femmes a eu lieu dans les environs de Chibok, selon des informations relayées par les médias ce 10 juin 2014.
Bref pour Jonathan, l’étoile filante qui s’était révélée au Nigeria et au reste du monde, tout semble indiquer la fin du parcours. Les traditionalistes, attachés à l’esprit des ancêtres, pourront toujours disserter et se demander ce qu’il a fait pour fâcher les Dieux qui l’avaient si longtemps porté haut et auréolé de gloire. Les politologues et autres critiques se contenteront d’un verdict plus simple, mais beaucoup plus sévère : manque de leadership et mauvaise gouvernance.
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