Ouestafnews – Les députés sénégalais ont rejeté, lundi 2 septembre 2024, un projet de loi constitutionnel visant à supprimer le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) et le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Le groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (BBY) favorable à l’ancien président Macky Sall a mis en échec l’initiative du chef de l’Etat Bassirou Diomaye Faye en rassemblant 83 voix contre 80 voix.
Ce verdict confirme le rejet initial du projet de loi par la Commission des lois de l’Assemblée nationale le 31 août 2024 par 16 voix contre 14.
La séance plénière a été un moment d’intenses débats entre députés. Elle a aussi été marquée par de nombreux incidents qui ont conduit le président de l’institution Amadou Mame Diop (groupe BBY) à imposer une suspension des travaux pendant de longues minutes.
Depuis la Chine ou il effectue une visite d’Etat les 2 et 3 septembre 2024, le président sénégalais a dit qu’il « prend acte de la décision des députés de la majorité (parlementaire) et réaffirme son engagement à œuvrer pour l’expression des positions politiques plurielles, essentielle au jeu démocratique et à l’équilibre des pouvoirs », selon un communiqué du 3 septembre 2024 rendu public par la présidence de la République.
La révision constitutionnelle que souhaitait le président Faye nécessitait un vote favorable des 3/5e des votants alors que le groupe Yewwi Askan Wi (Yaw), soutien de l’actuel exécutif, est minoritaire dans l’hémicycle. Le groupe BBY y dispose d’une courte majorité de 81 députés.
L’Assemblée nationale avait ouvert cette session extraordinaire le jeudi 29 août 2024 après avoir été saisie par le président de la République. L’objectif du président Faye était d’obtenir une modification de l’article 6 de la Constitution qui lui aurait permis de retirer le HCCT et le CESE de l’architecture institutionnelle.
En Conseil des ministres, mercredi 29 août 2024, le chef de l’État a justifié cette décision par le raffermissement des réformes constitutionnelles, l’amélioration continue du processus de prise de décision des pouvoirs publics et la rationalisation systématique des charges de l’État.
Mais pour les députés de la majorité, la suppression de ces deux institutions n’est pas une priorité. Selon le rapporteur de la commission des lois, les députés du groupe Benno Bokk Yakaar ont estimé que le HCCT est un organe qui « sert de passerelle de communication entre l’État et les collectivités territoriales ». De ce fait, explique-t-il, l’institution apporte une contribution majeure dans le développement économique des collectivités territoriales.
En ce qui concerne le CESE, les élus de BBY notent en commission que la plupart de ses membres « n’ont aucune coloration politique ». Selon eux, « il s’agit d’experts et de spécialistes issus notamment de l’ordre des experts du Sénégal, de l’ordre des architectes, des associations de personnes handicapées, des syndicats, des organisations de la jeunesse, des associations de femmes rurales et des écologistes ».
Selon ces parlementaires, cette réforme qui relève d’une promesse électorale du Chef de l’État aurait due être accompagnée de la suppression des fonds communs de certains fonctionnaires, ainsi que des fonds politiques logés à la présidence et à la primature. Des mesures que Bassirou Diomaye Faye s’était également engagé à matérialiser s’il est élu à la tête du pays, ont indiqué les députés de l’opposition.
Dans la dynamique de cette victoire sur le régime en place, Abdou Mbow, président du groupe parlementaire BBY, a annoncé le dépôt mardi 3 septembre d’une motion de censure visant à faire chuter le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko.
La dissolution du Haut conseil des collectivités territoriales et du Conseil économique social et environnemental était une promesse de campagne électorale du nouveau pouvoir exécutif, qu’incarnent le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre, Ousmane Sonko. Ces derniers, à la tête du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), avaient promis de « rationaliser » le train de vie de l’Etat en supprimant toutes les institutions qu’ils ont jugées « budgétivores et inutiles ».
Leurs opposants majoritaires à l’assemblée ont rétorqué que « l’élégance républicaine » aurait voulu que le Chef de l’État engage des discussions avec le président de l’Assemblée nationale, le groupe majoritaire et les présidents des deux institutions concernées avant de saisir officiellement le Parlement.
La majorité parlementaire a également soutenu que ce projet de loi devait être précédé par la tenue de la Déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre pour décliner les grandes orientations politiques du nouveau gouvernement.
Nommé chef du gouvernement depuis le 2 avril 2024, Ousmane Sonko n’a toujours pas fait sa DPG. Il a justifié ce refus par le fait que les dispositions relatives au poste de Premier ministre et à la DGP n’ont pas été réintégrées dans le règlement intérieur de l’Assemblée nationale depuis leur suppression en 2019. Le 16 août 2024 les députés ont finalement mis à jour ce texte.
Se faisant l’avocat du HCCT, le professeur Aliou Sow, ancien ministre de la Décentralisation et des Collectivités locales sous la présidence de Macky Sall, témoigne, dans une contribution partagée sur les réseaux sociaux, citant plusieurs exemples affirme que « les avis et recommandations du HCCT ont largement contribué à alimenter la définition des politiques publiques ainsi que les instructions présidentielles lors des conseils des ministres »
Avec ses 150 membres dont 80 sont élus au suffrage indirect et 70 nommés par le président de la République, le Haut Conseil des collectivités territoriales a été créé en 2016. C’est un organe consultatif sur les politiques de décentralisation, d’aménagement et de développement des collectivités territoriales.
Quant au CESE, c’est une assemblée consultative de 120 membres, tous nommés, dont la mission est de conseiller le gouvernement sur les questions économiques, sociales et environnementales. L’institution existe depuis l’indépendance du Sénégal sous le nom de Conseil économique et social (CES). C’est en 2012, après l’arrivée au pouvoir de l’ancien président Macky Sall, que les questions environnementales ont été intégrées dans ses missions.
Le budget cumulé des deux organes est évalué à plus de 15 milliards de FCFA en 2024, selon la loi de finance initiale (LFI) adoptée le 15 décembre 2023. Dans le détail, le HCCT a bénéficié d’un budget de 7 milliards 810 millions de FCFA tandis que le CESE est crédité de 7 milliards 541.040.284 FCFA.
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