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Sénégal: un demi-siècle de recul économique (expert)

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Le premier problème est celui de « l’incapacité des politiques agricoles à propulser la croissance », affirme le professeur Kassé dans son nouvel ouvrage : « l’économie du Sénégal : les cinq défis d’un demi-siècle de croissance atone », publié chez l’Harmattan (Sénégal) dont un résumé à été transmis à Ouestafnews.

Alors que le secteur agricole contribuait à hauteur des 25% à la croissance au lendemain des indépendances, ce taux ne dépasse guère 5%.

Politiques agricoles et industrielles avortées

La faute, selon le professeur Kassé, à un potentiel de production freiné par des « politiques irréalistes et impertinentes », qui ont induit au fil du temps une spécialisation en faveur des cultures de rentes au détriment des cultures vivrières.

L’autre échec du Sénégal, est lié à sa politique d’industrialisation dont les moteurs ont été éteints depuis les années 80, déplore cet enseignant de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad).

L’échec combiné des programmes agricoles et du processus d’industrialisation ont accouché d’une « hypertrophie du secteur tertiaire », avec une forte montée de l’économie informelle.

Au Sénégal, l’informel constitue 90% du tissu économique et représente 60% du produit intérieur brut (PIB). Ce secteur représente aussi 42% des emplois, selon les chiffres contenus dans l’ouvrage du Professeur Kassé.

Compétitivité faible, absence du privé

Aujourd’hui face à l’absence d’équipements adéquats pour la fourniture de moyens de transports, d’électricité, d’eau et de réseaux de communications, le Sénégal est dans l’impossibilité d’optimiser les processus de production et de tirer pleinement parti des avantages liés aux dotations factorielles.

« Il en résulte un manque de compétitivité tenant aux coûts des facteurs de production relativement élevés compromettant la productivité globale », insiste l’auteur.

Une situation aggravée par une « insuffisante implication » du secteur privé comme source principale de création de richesses et les défaillances du système de financement du développement.

Pour le professeur Kassé, au faible taux de bancarisation, s’ajoute une faiblesse des crédits à long-terme qui ne représente que 5% des crédits alloués, essentiellement alloués aux grandes entreprises en laissant en rade les PME confrontées à d’énormes besoins de financement.

« Les gouvernements successifs se sont avérés incapables de mener des politiques publiques efficaces pour une croissance robuste, parce qu’ils ont persisté dans l’utilisation de théories qui n’ont pas été faites pour cela…» souligne le professeur Kassé.

Le taux de croissance, une imposture ?

Alors que le gouvernement de Macky Sall, s’est doté d’un plan de développement dénommé Plan Sénégal émergeant (PSE), le professeur Kassé attire l’attention sur le fait que tous les programmes précédemment élaborés au Sénégal (y compris le PSE), se sont fixés comme objectif un taux de croissance moyen de 7% afin de réduire la pauvreté et les inégalités.

« Les incantations et les vaniteuses proclamations restent silencieuses sur le fait que cet objectif n’a jamais été historiquement atteint », fait remarquer l’économiste sénégalais qui raille notamment la notion d’Emergence, le nouveau concept à la mode chez les gouvernants africains. « Faire du Sénégal, un pays émergent, cela ne tombe pas du ciel », souligne t-il.

Les pays émergents comme le prouve l’exemple chinois, ont réussi « à sortir du sous-développement en appliquant d’excellentes visions stratégiques qui reposent solidement sur les vertus prussiennes de travail, de rigueur, de discipline, d’épargne et le sur le secteur privé soutenu par un patriotisme économique réfléchi et courageux ».

Après « un demi-siècle de politiques économiques et autant d’échecs avec ses désastreuses conséquences sociales », le professeur Kassé, propose dans son ouvrage une relance axé sur six points.

Il urge selon lui de repenser les politiques ectorielles dans une dynamique d’offre productive, ensuite mettre les Petites et moyennes entreprises (PME) et les Petites et moyennes industries (PMI) qui représentent 70% du tissu des entreprises au cœur des politiques macro-économiques. En outre il faudra s’attaquer au faible niveau de financement de l’économie, rompre avec le modèle de consommation extraverti, élargir les gains de productivité et mettre le Sénégal au travail.

Auteur de plusieurs ouvrages sur l’économie des pays en développement, le professeur Moustapha Kassé est le Doyen honoraire de la Faculté des Sciences économiques et de gestion (Faseg) de l’Ucad. C’est un ancien conseiller spécial du président Abdoulaye Wade. Il est aussi le directeur Laboratoire d’Analyse, de Recherche et d’Etudes du Développement (LARED) à Dakar.
 

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