Ouestafnews – L’intelligence artificielle (IA) offre d’énormes potentialités qui ne devraient pas échapper à l’Afrique. Mais les gouvernements africains en ont-ils pris la pleine mesure ? Au centre de tous les débats ces dernières années, l’IA sera au cœur des mutations économiques et sociales de demain, prédisent les spécialistes. Vrai ? Faux ? Ouestaf news a essayé de voir les enjeux et les contours de l’IA avec l’expert malien Abdoulaye Koné.
«En ce qui concerne les gouvernants, c’est difficile pour eux de comprendre les implications de l’intelligence artificielle», souligne Abdoulaye Koné dans un entretien accordé à Ouestaf News, le 12 février 2020 à Dakar.
Selon ce consultant en ingénierie des logiciels, cela peut être lié au fait que sur le continent «on se focalise plus sur l’aspect commercial, or les implications de l’intelligence artificielle sont énormes».
La notion d’IA est apparue dans les années 1950 avec la publication du livre Computing Machinery and Intelligence par le mathématicien Alan Turing. De l’usage des Smartphones à la banque en ligne en passant par la robotique, la santé et l’éducation, pratiquement aucun secteur n’échappe à l’IA.
Vu son effet englobant, les experts relatent souvent la difficulté de donner une définition figée à l’IA mais insistent sur le caractère d’imitation de toute forme d’intelligence réelle.
De l’avis du jeune consultant malien, les gouvernements africains doivent s’approprier l’IA, surtout que celle-ci touche aussi des secteurs stratégiques que la défense ou la sécurité.
«La Russie avait déstabilisé son adversaire en une journée, neutralisant par le biais de hackers les institutions-clés de la Géorgie», explique l’expert malien. Selon Abdoulaye Koné, les prochains conflits seront de nature cybernétique et nos Etats doivent apprendre dés à présent à se défendre.
Stratégie continentale
Considérée comme la quatrième révolution industrielle, l’IA à l’heure actuelle est un domaine où des pays comme les Etats-Unis tiennent le haut du pavé avec les fameux Gafam (Google, Amazone, Facebook, Microsoft) qui grâce à leur maîtrise des données et des algorithmes sont à la base de plusieurs plateformes touchant à presque tous les secteurs de la vie, et notamment dans des domaines clés comme la médecine, l’éducation, la santé, etc.
Traînant un retard sur ce terrain, comme sur plusieurs autres, le continent fait preuve néanmoins d’un certain dynamisme, avec l’explosion de la banque en ligne, du transfert d’argent, de l’e-commerce, favorisés par la forte pénétration des Smartphones.
Les ressources de l’IA, selon les experts, sont susceptibles de transformer radicalement des secteurs importants comme l’éducation, la santé ou encore l’agriculture en Afrique.
«Nos dirigeants doivent dès maintenant s’approprier l’intelligence artificielle dans sa globalité et ne pas seulement s’arrêter sur son aspect commercial», souligne Abdoulaye Koné, rencontré en marge d’un symposium consacré à l’œuvre de Samir Amin, un économiste et penseur africain, décédé en 2019.
Pour Fatim Cissé, spécialisée dans la vente de logiciels d’intelligence artificielle, l’approche doit être continentale.
«L’efficacité de cette réflexion stratégique requiert une approche non plus nationale mais continentale, et doit être menée dès maintenant, et pas demain», souligne-t-elle dans une tribune publiée par le magazine panafricain, JeuneAfrique.
En attendant que les gouvernements et les privés africains se réveillent, un géant comme Google est déjà sur les rangs avec l’ouverture en avril 2019 à Accra au Ghana de son premier centre de recherche dédié à l’IA.
La tenue de la toute première conférence sur l’intelligence artificielle en Afrique en décembre 2018 au Maroc est une initiative de l’Unesco qui dire faire de la promotion de l’IA en Afrique une priorité.
Faut-il craindre les robots ?
S’il y a une composante de l’IA qui suscite quelques inquiétudes, c’est les robots à qui seront affectés des taches actuellement exécutées par l’homme.
«Dans ce nouveau monde de l’économie de l’intelligence, les tâches techniques, ou hard skills (comptabilité, radiologie, chirurgie, conduite de véhicules, traduction, service à la clientèle…), seront exécutées par les applications de l’IA, avec une meilleure fiabilité et une plus grande acuité que l’humain», relève Fatim Cissé.
En Afrique où le chômage et les inégalités restent prégnants, la robotisation suscite des craintes. Ce que minimise toutefois, Abdoulaye Koné qui parle d’un bouleversement positif.
«La robotique ne va pas creuser le taux de chômage au contraire il va rehausser le niveau de vie des gens, parce qu’il y a des travaux que nous ne pouvons supporter physiquement», pense-t-il.
«Et à partir du moment que nous déléguons les tâches ardues et répétitives aux robots, c’est un avantage en termes de niveau de vie et les gens qui faisaient ces travaux seront formés dans d’autres domaines», poursuit-il.
«Les projections dans des pays comme le Canada prédisent la disparition de plus de 42 % des métiers actuels dans les dix prochaines années», écrit Fatim Cissé dans sa tribune mentionnée plus haut.
MN/ts.
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