Marché unique du transport aérien africain : la baisse des tarifs ne sera pas automatique (expert)

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Marché unique du transport aérien africain : la baisse des tarifs ne sera pas automatique (expert)
Le transport aérien qui emploie près de sept millions de personnes est l'un des secteurs les plus affectés par la pandémie du Covid-19. Photo/Ouestafnews

Ouestafnews -L’Union africaine s’apprête à lancer le marché unique du transport africain en Afrique (Mutaa), quelle appréciation avez-vous de cette initiative ?

Blaise Mané – C’est une bonne initiative à condition qu’elle soit effective et bien appliquée, car je rappelle que la décision de Yamoussoukro des 13 et 14 Novembre 1999 qui déjà libéralisait le ciel africain est encore lettre morte. La Commission africaine de l’aviation civile que les ministres du transport aérien de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) ont désignée pour mettre en œuvre la décision de Yamoussoukro a de la peine à l’appliquer, certains Etats étant encore jaloux de leurs droits de trafic.

Lire aussi: Transport aérien africain: le marché unique va-t-il revigorer ce secteur moribond?

Ouestafnews – Il y a beaucoup de griefs portés par les citoyens à l’égard de ce secteur notamment la cherté des billets, au niveau des compagnies ont se plaint des multiples taxes,  comment le marché unique pourrait y apporter une solution ?

B.M – L’idée classique consiste à penser que la libéralisation d’un secteur amène de la compétition qui procure principalement deux avantages pour le consommateur : une amélioration du service et/ou une baisse des prix. Ceci ne se vérifie pas toujours. La structure des prix dans le transport aérien montre une part importante de taxes sur les prix des billets. A titre d’exemple, sur un billet Paris – Dakar- Paris, voyage à effectuer en mars 2018 sur une compagnie française, le prix du billet de 250 euros est alourdi de 435.79 euros en taxes aéroportuaires et étatiques.

Dans un contexte de compétition, sachant que les Etats ne renonceront pas à leurs revenus, ce sont les compagnies qui vont perdre sur leurs marges, ce qui pourrait les fragiliser. On peut dès lors se poser la question de la destination des revenus du transport aérien car de façon générale, le niveau des infrastructures en termes de confort, de modernité et de fonctionnalité ne reflète pas le niveau de facturation dans la plupart des pays africains.

Ouestafnews – Sur les 54 pays africains, 23 ont souscrit pour l’instant au projet de marché unique, n’est-ce pas le signe que certains veulent encore faire dans le protectionnisme à l’inverse de la libéralisation que prône le Mutaa ?

B.M- Il est évident que les suites données à la décision de Yamoussoukro montrent à suffisance que certains Etats tiennent à voir leur drapeau sur l’empennage d’un avion et ceci même au détriment de toute rentabilité économique ou en dépit de tout bon sens stratégique. Certains marchés sont évidemment trop étroits pour supporter une compagnie aérienne de taille significative et rentable.

Ouestafnews – Le Sénégal n’a pas encore adhéré à ce projet à l’inverse de la Côte d’Ivoire et du Nigeria, quels peuvent être les risques pour ce pays s’il se met en marge de ce marché unique ?

B.M- Le risque principal c’est que les autres Etats signataires appliquent la réciprocité sur le pavillon national. Les mêmes restrictions que nous imposerons aux autres compagnies seront appliquées à la nôtre. Dans un marché ouvert, où se retrouvent presque tous les acteurs, il vaut mieux faire partie du jeu que d’en être exclu.

Ouestafnews -En Afrique le transport aérien est largement dominé par les compagnies est-africaines, sud-africaines, pourquoi en Afrique de l’ouest on peine à mettre en place des compagnies viables ?

B.M- A mon avis, ce diagnostic est valable dans l’économie en général : les pays de l’Est et du Sud de l’Afrique sont plus dynamiques que les pays de l’Ouest, à l’exception notable du Nigéria et dans une moindre mesure le Ghana.

Vous aurez fini de constater avec moi qu’il y a là une deuxième distinction pays francophones et pays anglophones. Nous souffrons selon moi d’une trop grande mainmise de l’administration dans les pays francophones où le principe est l’autorisation préalable alors que dans les pays anglophones, c’est principalement la déclaration de conformité qui prévaut. Le deuxième système est plus ouvert et plus favorable à l’initiative.

L’autre raison tient au dynamisme et à la puissance du système bancaire. Les banques Ouest africaines financent moins les projets dans l’aérien. A leur décharge, les nombreux échecs dans le secteur ne sont pas pour les encourager.

MN/ts

 

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