Affaire Sonko – Adji Sarr : péripéties d’une affaire de mœurs devenue politique

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Affaire Sonko-Adji Sarr : péripéties d’une affaire de mœurs devenue politique/Photo : Ouestaf News

Ouestafnews-Le Sénégal a connu de violentes manifestations entre le 03 et le 08 mars 2021. Mais l’étincelle à l’origine de ce embrasement est l’interpellation et le placement en garde vue de l’opposant Ousmane Sonko, accusé début février 2021 de viols répétés et menaces de mort par une jeune fille de 20 ans. Péripéties d’une affaire qui a failli faire basculer le pays dans le chaos.

Le 06 février 2021, le journal les Echos publie un article qui fait état d’une plainte pour viols et menaces de mort contre l’opposant politique au régime de Macky Sall, Ousmane Sonko, président du Pastef (Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité).

L’accusatrice Adji Sarr est une jeune fille de 20 ans employée dans un des nombreux « salons de massage » de la capitale sénégalaise, salons à la réputation sulfureuse.

Ousmane Sonko était un des clients où travaille la demoiselle Adji Sarr, selon les témoignages recueillis par la gendarmerie lors des enquêtes. Et il ne nie pas y être allé le jour des faits pour une séance de massage, mais nie toutefois tout acte de viol.

Convoqué par les enquêteurs de la Section de recherche de la gendarmerie, l’homme politique refuse de déférer. Il y oppose son immunité parlementaire que lui confère son statut de député à l’assemblée nationale.

Soutenu par ses partisans, il crie au « complot politique ourdi par le pouvoir du président Macky Sall » pour « le liquider politiquement ».

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Le gouvernement rétorque qu’il s’agit d’une affaire privée entre deux citoyens sénégalais d’égal droit. Entre les deux versions, un peuple pris en otage. En toile de fond la présidentielle de 2024, qui d’un côté comme de l’autre, aiguise les appétits et les ambitions. Et c’est parti pour des semaines de vive tension, de manifestations, d’interpellations.

Plusieurs activistes de la société civile et des militants du parti d’Ousmane Sonko sont arrêtés, pour incitation à des actes de nature à troubler l’ordre du public, etc.

Du salon de massage au terrain politique.

Devant le refus de Sonko de déférer à la convocation de la gendarmerie, le juge d’instruction saisit l’assemblée nationale d’une demande de levée de son l’immunité parlementaire.

Le 26 février 2021, l’assemblée nationale, tenue majoritairement par la mouvance présidentielle, lève l’immunité parlementaire du député arrivé 3è à l’élection de février 2019.

Le 03 mars 2021, Sonko décide de déférer à la convocation du juge d’instruction. Alors qu’il est en route vers le tribunal, le leader du Pastef se fait arrêter par les forces de l’ordre pour « trouble à l’ordre public » parce qu’il refuse d’emprunter un itinéraire que le préfet de Dakar lui impose, selon ses partisans.

Pour le gouvernement, les partisans de l’opposant, rassemblés sur l’itinéraire que l’opposant a choisi, constituent de réelles menaces de troubles à l’ordre public.

Du salon de massage, l’affaire devenue une bataille politique, s’installe au cœur de la république et met vite le pays au bord du chaos.

Le placement en garde vue le 03 mars de M. Sonko va encore faire monter la pression et la colère des manifestants. La situation d’extrême tension est ponctuée de scènes de violences et de pillages, un peu partout dans le pays.

Les deux jours avant l’audition de l’opposant par le juge d’instruction (audition fixée au 8 mars 2021), feront vivre au Sénégal un climat de terreur sans précédent. La colère des manifestants a suscité une violence inouïe, à laquelle les Sénégalais n’étaient pas forcément habitués.

Emergence de nouvelles revendications

Le tout contribue à faire monter la violence : en plus des édifices publics tels que les commissariats de police, les gendarmeries saccagés et incendiés, les commerces privés dont les enseignes français (Auchan, Total) ont été également visés et pillés. Bilan de ces manifestations : au moins dix morts, des centaines de blessés et des centaines d’arrestations. Des dégâts matériels importants. Et surtout, un pays au bord de la division, entre militants pro-pouvoir et militants pro-opposition.

Finalement l’opposant Ousmane Sonko est libéré le 8 mars 2021. Il est placé sous contrôle judiciaire par le doyen des juges qui a hérité du dossier. Le juge du huitième cabinet, premier à hériter du dossier, s’était dessaisi du dossier quatre jours plutôt.

Le même soir, le président Macky Sall s’adresse à ces concitoyens, après avoir gardé un long silence, considérant au départ qu’il s’agit avant tout d’une « affaire privée ». Il décide de ramener le couvre-feu décrété, en raison du Covid-19 depuis janvier 2021, de 00h à 5h00 du matin au lieu de 21h00 à 5h00.

Ces deux décisions ont fait souffler un vent d’apaisement sur la vague de contestations populaires violentes, déclenchée le 3 mars 2021. Le pays venait d’échapper au pire.

Dans la foulée des contestations, apparaît un Mouvement pour la défense de la démocratie, M2D (un mouvement hétéroclite composé de partis d’opposition et d’acteurs de la société civile) qui met sur la table une série de revendications et qui décide de soutenir Ousmane Sonko et de maintenir la pression sur le gouvernement.

Alors que dans tous le pays les nerfs restent tendus et que les médiateurs s’activent, le Mouvement décide d’organiser une « marche pacifique » le 13 mars, faisant craindre une reprise de la violence.

A la demande des plusieurs médiateurs, le M2D décide finalement de surseoir à sa marche pour ramener le calme.

En attendant d’y voir plus clair et d’en tirer tous les enseignements, les Sénégalais font le bilan de ces journées sombres, qui ne sont pas sans rappeler d’autres moments où le pays a failli basculer, notamment en 1968, 1988, 1993, 2011, mais a toujours su se ressaisir à la dernière minute. 

TS-FD/On

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