Par Hamadou Tidiane SY*
On ne pourra épuiser les qualificatifs pour dire l’inélégance de la décision prise par le président Macky Sall ce 3 février 2024.
En annonçant qu’il abroge le décret qui convoque les électeurs aux urnes le 25 février 2024, il prend une décision grosse de dangers. Non seulement en ce qu’elle est inédite pour une présidentielle depuis notre indépendance, mais aussi par ce qu’elle est prise dans un contexte socio-politique suffisamment tendu pour éviter la moindre étincelle.
Après avoir écouté Macky Sall, l’imagination ne peut s’empêcher de penser aux fins de règne de Blaise Compaoré du Burkina Faso ou de Mamadou Tandja du Niger. Il y en a d’autres, des fins de règne chaotiques et tragiques. Macky Sall doit éviter cela à notre pays qui n’a que sa stabilité politique pour se bomber le torse. Or celle-ci (la stabilité politique) est de plus en plus malmenée.
A force de tirer sur la corde, elle finit par se casser, dit l’adage. Eh bien, le président Sall est en train de tirer sur cette corde-là. Le risque est gros pour le Sénégal, non seulement pour son image qui en prend un sacré coup, mais aussi pour son avenir et cette stabilité qui nous est chère.
Le peuple sénégalais est patient et endurant, dit-on. D’autres disent amorphe et irresponsable. Mais attention à l’eau qui dort. Le 23 juin 2011 et d’autres épisodes encore plus douloureux nous rappellent que, comme tous les autres peuples du monde, ce peuple est capable du meilleur comme du pire.
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Le pire, nous l’avons frôlé en juin 2023 et en mars 2021. Rien ne dit que la boucle est bouclée et le président Macky Sall devrait, plus que tout autre, en être conscient. Et donc faire attention.
La colère dans les rangs de l’opposition, le dépit et le dégoût chez bon nombre de citoyens, le désamour d’avec la jeunesse, ajoutés aux difficultés de la vie quotidienne sont un cocktail auquel il faut éviter d’ajouter quelque injustice ou quelque raison d’être en colère, que ce soit.
En prenant sa décision du 3 février, Macky Sall, le sait-il peut-être, donne raison à ceux qui disent qu’il n’a jamais voulu renoncer au 3e mandat. En décidant de reporter (ou d’annuler ?) l’élection du 25 février, il donne raison à ses adversaires et à tous ceux qui n’ont jamais voulu croire à sa parole.
On peut à la limite se dire que sa réputation et son image ne regardent que lui et ses affidés. On ne peut par contre le laisser se jouer de notre pays, de son image, de sa démocratie, de sa stabilité, de son présent et de son avenir. On ne peut lui permettre de jouer avec le feu sur le destin de notre pays.
S’il lui reste encore une oreille pour écouter, Macky Sall doit entendre raison. Lorsqu’une nation vous a tout donné, il est indigne et indécent de lui offrir en retour ce spectacle désolant et triste. Loin des questions de légalité qui se prêtent à toutes les interprétations et conjectures, il y a celles de dignité, de légitimité, d’élégance, etc. Sur ce terrain, aucun subterfuge ne peut marcher. Aucune contorsion ne peut passer. Seul le tribunal de la conscience tranche. Nous savons tous ce qui est beau et digne, ce qui l’est moins et ce qui ne l’est pas du tout.
Hamadou Tidiane Sy, Journaliste fondateur d’Ouestaf News
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