Guinée Bissau : les gros chantiers du futur président en 5 points

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Ouestafnews – D’après les résultats provisoires publiés par la Commission nationale électorale bissau-guinéenne, la présidentielle du 13 avril 2014 donnera lieu à un second tour entre le candidat indépendant, Nuno Gomez NaBiam, 20% des voix, que l’on dit soutenu par l’armée et José Mario Vaz du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée Bissau et du Cap vert (PAIGC) large vainqueur du premier tour avec 40,9 % des suffrages.

Quel que soit le vainqueur de ce duel, prévu le 18 mai 2014, une lourde responsabilité l’attend. Résoudre de nombres problèmes politiques, sociaux et économiques, voire géo-stratégique, qui sont à la base du mal bissau-guinéen. Ouestafnews vous donne ici une liste de 5 points, parmi les plus gros défis du futur président dans un pays où tout est à reconstruire.

1. Ramener la stabilité
Après deux ans de transition, le pays s’engage dans un nouveau processus démocratique avec ces élections générales, très attendues dans l’espoir qu’elles ramèneront la stabilité dans un pays où les coups d’Etats sont devenus un mal chronique.

Le premier coup d’Etat est intervenu en 1980, soit six ans après l’indépendance arrachée de haute lutte aux Portugais. Le président Luis Cabral, demi-frère d’Amilcar Cabral, héros de la luette pour l’indépendance, est déposé par Nino Vieira, son premier ministre. Vétéran de la guerre de libération contre le colonisateur portugais, Nino Vieira occupe la tête du pays jusqu’en 1999, date à laquelle il est contraint à l’exil, suite à une insurrection politico-militaire dirigée par le chef d’Etat-major de l’armée, Ansoumana Mané (qui lui-même sera assassiné lors d’une autre insurrection)
En 2000, Feu Kumba Yala (décédé le 04 avril 2014) gagnait une présidentielle, jugée crédible par la communauté internationale, mais il sera déposé trois ans plus tard par un coup d’Etat dirigé par le colonel Verissimo Corréia Seabra.

Après un séjour de six ans au Portugal, Vieira revient au pays pour prendre part à la présidentielle de 2005, qu’il remporte au second tour face à Malam Bacai Sanha. Il sera cruellement assassiné en mars 2009 par des éléments de l’armée.

Elu à la tête du pays en septembre 2009, Malam Bacai Sanha n’échappe pas lui aussi à la malédiction, il mourrait en janvier 2012 à Paris des suites d’une maladie dont la nature n’a jamais été révélée.

En avril 2012, une énième intrusion de l’armée dans le jeu politique, a lieu en pleine élection présidentielle et met brusquement fin au rêve présidentiel de Carlos Gomes Junior (ancien premier ministre de Vieira), arrivé en tête du premier tour avec 48,97 % des voix.

Grande question : le président qui sera élu au second tour le 18 mai 2014 prochain va-t-il régner sur un pays stable et pourra-t-il achever son mandat et briser enfin le signe indien ? Toute la question est là.

2. Mettre fin au trafic de drogue et à la corruption

Le trafic international de drogue est venu se greffer à l’instabilité au sommet de l’Etat, au point d’en devenir une des causes, selon les experts qui ont fini par nommer ce petit pays ouest africain un « narco-état ». La défaillance sécuritaire, la faiblesse des institutions et la corruption ont fait de ce pays une base pour les trafiquants latino-américains qui y font leur transaction en complicité avec de haut responsables politiques et militaires.

En avril 2013, des agents de l’agence américaine anti-drogue, ont procédé à l’arrestation de José Américo Bubo Na Tchuto, ex-chef d’Etat-major de la marine de Guinée-Bissau, considéré comme un personnage clé du trafic de cocaïne sud-américaine, en direction des Etats Unis. Même si l’ampleur de ce trafic semble exagérée aux yeux de certains observateurs, il est clair qu’il constitue une menace pour la stabilité de ce pays à l’économie exsangue où la pauvreté touche 70 % de sa population estimé à 1,6 millions d’habitants. Le prochain osera-t-il s’attaquer à ce problème sans risquer son mandat ?

3. Réformer l’armée

La réforme de l’armée qui a été toujours été évoquée durant cette dernière décennie, peine à se traduire en actes. Même si elle a été reprise au cours de la campagne par certains candidats, les leaders bissau-guinéens ne semblent pas au fond vouloir se risquer sur ce terrain dangereux.

Principale actrice de la libération du pays aux mains des colons, l’armée revendique une légitimité historique dans la gestion de l’Etat. Cela implique l’intrusion fréquente des militaires dans le jeu politique qui obéit aussi très souvent à la sauvegarde de certains intérêts comme le montre le soutien apporté au candidat Nunu Gomes Na Biam par le Chef d’Etat-major des armées, le Général Antonio Injai, pourtant inculpé par la justice américaine pour narcotrafic.

La communauté internationale qui a exercé beaucoup de pression pour la tenue de ce scrutin en fait la seule condition d’un retour à la paix et à l’Etat de droit alors que toutes les conditions ne sont pas réunies pour y arriver, soulignent des chercheurs.

« Le coup d’État militaire d’avril 2012 et la transition qui doit prendre fin avec les élections générales de 2014 n’ont pas fondamentalement changé la donne politique, sécuritaire et institutionnelle en Guinée-Bissau. Bien que les causes immédiates du putsch de 2012 semblent atténuées, les causes profondes de l’instabilité persistent », souligne un rapport publié par l’Institut d’études de sécurité (ISS), en avril 2014.

4. Relancer l’économie

Selon les mots du président de la transition Manuel Sérifo Nhamadjo, la Guinée Bissau est en état d’asphyxie financière. En effet, le coup d’Etat d’avril 2012, a été fatal à l’économie nationale, en ayant occasionné, le départ des principaux partenaires financiers, suite aux sanctions imposées par l’’Union africaine et de la Communauté économique des états d’Afrique de l’ouest (Cedeao). A cela il faut ajouter une rupture dans la production du noix de cajou, principale richesse économique du pays qui fait chuter le taux de croissance à -1% e 2013 contre 5% l’année précédente, selon les chiffres de la Banque africaine de développement (BAD). Dans ces conditions, remettre la machine économique en marche ne sera pas non plus de tout repos.

5. Trouver le bon équilibre

Au palan international, la Guinée Bissau, Membre de la Communauté des Etats de langue portugaise, se trouve dans une région surtout dominée par d’anciennes colonies françaises, hésite entre son héritage lusophone et un positionnement total dans l’espace ouest africain.

Elle est membre depuis 1997 de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) et utilise le franc CFA qu’utilisent les anciennes colonies françaises, ce qui ne plaît pas aux anciens colons portugais qui y voient une perte de leur influence dans la région, et potentiellement un risque voir échapper des parts de marchés.

Le pays a comme principal fournisseurs un trio hétéroclite constitué par le Portugal, son voisin le Sénégal et le cousin brésilien avec qui la Guinée Bissau partage l’espace lusophone.

L’Angola, autre ancienne colonie portugaise qui cherche à étendre ses tentacules en Afrique, essaie de disputer la suprématie au géant ouest africain le Nigeria. Ce dernier veut aussi y affirmer sa présence en profitant de son poids au sein e la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et du rôle de cette organisation dans les efforts pour stabiliser le pays.

Tout cela fait beaucoup trop d’appétits pour un pays d’environ 1,6 millions d’habitants. Le nouveau président devra jouer aux équilibristes pour satisfaire tout ce beau monde et tirer le maximum de profit de chacun de ces partenaires potentiels, sans rien perdre de sa souveraineté.

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