Ouestafnews – Initiative inédite : un député sénégalais de la majorité a déposé une proposition de résolution à l’Assemblée nationale visant à mettre en accusation l’ancien président Macky Sall (2012-2024) pour « haute trahison ».
Dans une publication sur sa page Facebook, le 15 avril 2025, le député Guy Marius évoque sa proposition de mise en accusation de l’ex-président, datée du 11 avril 2025, et déposée auprès de l’Assemblée nationale.
Guy Marius Sagna est membre du parti au pouvoir Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité).
La haute trahison est le seul chef d’inculpation qui peut être reproché à un ancien chef d’Etat du Sénégal selon la Constitution en son article 101. Le député de Pastef s’appuie sur cette disposition pour justifier sa démarche contre l’ancien président sénégalais.
L’article en question prévoit que le président de la République n’est responsable de ses actes dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de « haute trahison ». Selon cette disposition constitutionnelle, le président « ne peut être mis en accusation que par l’Assemblée nationale par un vote (…) à la majorité des trois cinquièmes des membres les composant, soit au moins 90 voix sur 165.
Or, depuis les législatives de novembre 2024, le parti présidentiel est majoritaire au parlement sénégalais, disposant de 130 sièges, ce qui pourrait faciliter l’adoption de la résolution dès qu’elle sera soumise au vote.
L’argumentaire du député repose, selon lui, sur des infractions graves aux principes constitutionnels de transparence budgétaire et de bonne gouvernance. M. Sagna évoque « des manquements d’une exceptionnelle gravité ».
Le texte présenté par le député s’appuie sur les « révélations » d’un rapport de la Cour des comptes publié le 13 février 2025 portant sur la gestion financière du pays entre 2019 et mars 2024, lors du deuxième mandat de Macky Sall.
Les partisans de l’ex-président ont rejeté ce rapport accusant l’actuel pouvoir de vouloir ternir le mandat de leur mentor qui vit au Maroc depuis son départ au pouvoir.
Selon le député qui reprend les éléments du rapport, l’administration du président Sall a contracté 2.517 milliards de francs CFA de dette hors de tout cadre légal – c’est-à-dire sans autorisation parlementaire, ni inscription dans une loi de finances. De plus, 2.562 milliards de francs CFA ont été gérés via des comptes de dépôt irréguliers auprès du Trésor, échappant également à tout contrôle, selon le document.
En se basant sur le rapport de la Cour, le député de Pastef évoque également de nombreuses irrégularités comptables, notamment des manipulations de recettes, des opérations extrabudgétaires, ou encore des rattachements illégaux, ayant conduit à une fausse représentation du déficit budgétaire et de la dette publique.
Pour Guy Marius Sagna, les pratiques reprochées à l’ancien président ne relèvent pas seulement d’une mauvaise gestion : elles constituent « une menace pour la souveraineté financière du Sénégal ». En contournant les institutions républicaines, notamment le parlement, l’ancien président a engagé l’État dans des engagements lourds « sans débat démocratique ni transparence », souligne-t-il.
Dans une contribution publiée à la suite de la sortie du rapport de la Cour des comptes, l’ancien ministre de la Jeunesse, Pape Malick Ndour a indiqué que « toutes les lois de règlements de 2019 à 2021, ont été votées par le parlement après certification par la Cour des comptes ». Il en est de même, selon lui pour tous les textes de 2022 et 2023, par conséquent, estime-t-il, si des « incohérences apparaissent » dans le nouveau rapport de la Cour des comptes, « il convient alors de s’interroger sur la qualité dudit rapport ».
Si cette résolution est adoptée, le président mis en cause ne peut être jugé que par la Haute Cour de justice, comme le veut la constitution. Ainsi, Macky Sall pourrait devenir le premier ancien chef d’État sénégalais à être poursuivi devant cette institution, l’unique juridiction compétente pour juger un ancien président dans le cadre de telles accusations.
Cette initiative marque un tournant dans la vie institutionnelle du Sénégal : si la procédure aboutit, elle sera une première en plus de 60 ans d’histoire politique au Sénégal.
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