Ouestafnews – Après la condamnation à la prison à vie de Hissène Habré par la justice sénégalaise, les victimes de l’ex-président tchadien enregistrent un nouveau succès dans leur combat. En effet, l’Union africaine (UA) vient d’adopter un statut pour le Fonds fiduciaire qui doit permettre une réparation financière.
«Grâce aux victimes, à leur ténacité et à leur persévérance, Hissène Habré fut poursuivi et condamné. Ce qui fut pour elles une grande victoire sur l’homme qui était leur bourreau. Beaucoup de ces victimes sont aussi très pauvres et les réparations font partie intégrante de la justice qu’elles méritent », a déclaré l’avocat américain Reed Brody joint par Ouestafnews.
Pour M. Brody qui fut au cœur de l’affaire Habré avec son organisation Human Right Watch (HRW), il appartient au fonds d’engager des « professionnels pour retrouver et récupérer des avoirs cachés de Hissène Habré ».
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En outre, il faut solliciter «des contributions de la part de pays bien disposés, y compris des pays comme les États-Unis et la France qui avaient soutenu le régime de Habré et les pays africains qui avaient donné mandat au Sénégal de juger M. Habré », a-t-il estimé. L’UA a adopté le statut durant son sommet à Addis Abeba en Ethiopie du 28 au 29 janvier 2018.
Une résolution du sommet en juillet 2016 avait créé le Fonds mais les victimes attendaient depuis lors qu’il commence ses activités. «Les victimes ne peuvent attendre davantage et devraient recevoir les moyens de rebâtir leur vie», estime Rupert Skilbeck, de l’ONG REDRESS.
«Bien que la décision sur les réparations ait été un moment fondamental dans la lutte des victimes de Habré pour la justice, des mots seuls ne peuvent remédier à leurs souffrances», ajoute-t-il.
La décision de l’UA a été saluée dans un communiqué conjoint signé par REDRESS, l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme (ATPDH) et la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO).
Des milliers de victimes ont participé aux procédures judiciaires contre Habré, qui a présidé le Tchad de 1982 à 1990 et imposé un règne de terreur. Après sa condamnation à la prison à vie en mai 2016 (verdict confirmé en appel le 17 avril 2017), l’autre bataille à gagner pour les victimes consiste à obtenir une réparation financière.
Au cours du procès en appel, les conseils de l’ex-président avaient dénoncé qualifié de «farce», les faits reprochés à leur client.
La Chambre d’appel des Chambres africaines extraordinaires (CAE) avait confirmé, en avril 2017, le jugement en première instance et avait condamné Habré à verser 82 milliards de francs CFA (environ 154 millions de dollars US) aux victimes.
Présidente du collectif des avocats de l’association des victimes, Maître Jacqueline Moudeina, est d’avis qu’il est temps d’en finir avec ce dossier. «L’établissement et l’opérationnalisation du Fonds dans un délai raisonnable pourrait enfin achever le long combat des victimes pour la justice», plaide-t-elle, cité dans le communiqué conjoint.
«Depuis le délivré du verdict final des CAE, plusieurs victimes sont malheureusement décédées avant de pouvoir recevoir leurs réparations», a-t-elle ajouté.
Le Fonds fiduciaire au profit des victimes a été mandaté de rechercher et recouvrir les avoirs de Habré et de solliciter des contributions volontaires des Etats ou d’autres parties.
«Les organisations ont également souligné que le Fonds doit être indépendant, transparent et efficace afin de jouir de la confiance des victimes», lit-on dans le communiqué à Ouestafnews.
Selon elles, «ces victimes devraient être entendues et véritablement consultées sur les méthodes de mise en œuvre des réparations qu’elles souhaiteraient».
Les gouvernements sont également appelés à coopérer avec les demandes d’assistance du Fonds et de soutenir ce dernier dans le recouvrement des avoirs de Habré.
Pour l’instant, «seul un nombre limité de ses avoirs a été identifié jusqu’à présent, y compris une propriété immobilière et deux modestes comptes en banque au Sénégal», soulignent REDRESS, la RADDHO et l’ATPDH.
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