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Premier baril de pétrole au Sénégal : retour sur dix ans de péripéties

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Oustafnews – Le Sénégal a extrait le 11 juin 2024 ses premiers barils de pétrole du champ de Sangomar. Cette entrée du Sénégal dans le « club » des producteurs de pétrole intervient après plusieurs reports suite à l’annonce des découvertes d’or noir en 2014. Retour sur les étapes d’un projet à rebondissements lancé en 2014.

C’est  dans un communiqué matinal et au ton enthousiaste que l’opérateur Woodside a annoncé « la production du premier baril du champ Sangomar », le mardi 11 juin 2024. Un évènement qualifié de jour « historique » par Meg O’Neill, la PDG de Woodside.  

« Une nouvelle ère pour l’industrie, l’économie de notre pays et pour nos populations », s’est réjoui Thierno Ly, le directeur général de Petrosen, la Société des pétroles du Sénégal, actionnaire à 18 % dans le projet Sangomar.  

L’annonce a ravi bon nombre de Sénégalais comme en témoignent les nombreuses réactions empreintes d’engouement sur les réseaux sociaux. Des internautes y voient la promesse d’un avenir radieux pour le développement économique et social du pays.

Le premier baril offshore sénégalais vient de sortir des profondeurs de l’Atlantique alors que l’exploration pétrolière et gazière dans le pays a commencé au lendemain de l’indépendance. Mais ce n’est qu’en 2014 qu’un gisement dit « rentable » est découvert pour la première fois dans l’histoire du pays.  

Le 7 octobre 2014, la société écossaise Cairn Energy signale l’existence de pétrole sur le gisement appelé SNE-1 situé sur le champ Sangomar à une centaine de kilomètres au sud de Dakar. Les recherches ont été effectuées en association avec les compagnies juniors Far Limited (d’origine australienne), Conocco Phillips (de nationalité américaine) et Petrosen, la société pétrolière nationale.

Une nouvelle qui « augure des perspectives heureuses », s’était réjouie Maïmouna Ndoye Seck, à l’époque ministre de l’Energie et du Développement des énergies renouvelables, en marge d’une réunion interministérielle le 14 octobre à Dakar, citée par l’Agence Ecofin.

Un mois plus tard, Cairn Energy confirme l’existence d’un deuxième gisement pétrolier dans cette zone du sud-ouest de la façade maritime sénégalaise. Les ressources en or noir récupérables sur le champ de Sangomar sont ainsi évaluées à environ 630 millions de barils, selon le site de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (itie.sn).

Ces premières découvertes d’or noir exploitable pour le Sénégal dans un délai court poussent les autorités politiques à diverses réformes juridiques. Ainsi, la nouvelle constitution adoptée par référendum en mars 2016 consacre pour la première fois l’appartenance exclusive des ressources naturelles au peuple sénégalais. Dans la foulée, un nouveau code pétrolier et une loi sur le contenu local sont adoptés le 24 janvier 2019 par l’Assemblée nationale.

Le contenu local est défini, par la loi, comme l’implication de la main d’œuvre locale et des investisseurs nationaux dans le développement de la chaine de valeur de l’industrie naissante du gaz et du pétrole.

Une première fois projeté pour 2022, le démarrage effectif de la production de pétrole est d’abord repoussé á 2023, souligne une note de Petrosen de novembre 2019 rapportée par l’Agence de presse sénégalaise (APS). Un différé qui survient après que Cairn Energy, à l’origine des découvertes, a vendu ses parts dans Sangomar à Woodside Energy en 2020.

Selon Petrosen, l’État du Sénégal et ses partenaires « ont convenu de changer la stratégie d’investissement » en achetant la plateforme de production, de stockage et de déchargement (FPSO, sigle en anglais) en lieu et place d’une location.

Le FPSO est un navire ou une unité flottante qui traite et stocke le pétrole (ou le gaz) extrait de la plateforme pétrolière avant son acheminement sur un pétrolier, explique le site techno-science.net. Le FPSO utilisé pour Sangomar a été baptisé Léopold Sédar Senghor, du nom du premier président du Sénégal.

La phase extractive du gisement de Sangomar est encore retardée quand la ministre de tutelle d’alors, Sophie Gladima, annonce le 10 juillet 2023 le premier baril de pétrole sénégalais pour «fin 2023, maximum début 2024 ». La faute à des « imprévus », dit-elle dans une vidéo de l’APS.

Mais la compagnie Woodside ne semblait pas liée par les déclarations des autorités sénégalaises en fixant le démarrage de la production de pétrole du champ de Sangomar à la mi-2024. « Nous avons pris la décision prudente de faire effectuer les travaux de réparation pendant que le FPSO reste au chantier naval de Singapour », a justifié Meg O’Neill, la directrice de la firme australienne, dans un communiqué publié le 18 juillet 2023.

L’arrivée de la plateforme de production Léopold Sédar Senghor sur le champ de Sangomar est finalement annoncée le mardi 13 février 2024 par Woodside, dans un communiqué.

Le mardi 11 juin 2024, Woodside annonce enfin la sortie du premier baril de pétrole sénégalais, marquant l’inscription du Sénégal dans la liste des pays producteurs d’ « or noir ». Ce sera après dix années marquées par diverses péripéties et beaucoup d’incertitudes.

Ces incertitudes sur le début de la production de pétrole à Sangomar ont pesé sur les prévisions du produit intérieur brut (PIB) en 2023. De 8 % d’augmentation initialement prévus, l’économie ne va finalement progresser que de 4,3 %, selon  le rapport 2024 de la Banque mondiale publié le 12 juin 2024. Pour cette année, l’institution de Bretton Woods projette un taux de croissance à 7,1 % au lieu de 8,3 initialement indiqué.

IB/md/ts

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