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Sénégal : ce qu’attendent les citoyens après les législatives

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Ouestafnews – Au lendemain des élections législatives au Sénégal, la vie a repris ses droits dans les artères de Dakar. Le parti arrivé au pouvoir en mars 2024 va également contrôler l’Assemblée nationale. Qu’attendent les Sénégalais du nouveau pouvoir ? Un reporter d’Ouestaf News est allé à leur rencontre.

Rond-point Liberté 6, un des carrefours les plus animés de Dakar. On est non loin du centre de la capitale. Les quartiers de la proche banlieue ne sont pas très loin non plus. Les bus klaxonnent et des vendeurs installent leurs marchandises le long de la route. Des agents du service de nettoiement urbain, dans leur tenue verte, ramassent les déchets qui jalonnent le sol, indifférents aux bruits, éclats de rire et tintamarre qui polluent l’atmosphère.

Sous un arbre imposant abritant un kiosque à journaux, des individus discutent autour du sujet du jour : les résultats des législatives tenues le 17 novembre 2024. Dans ce quartier, chaque visage croisé raconte une histoire et défend une opinion sur ces élections…

Birahim, la quarantaine, sa chemise soigneusement repassée, écoute religieusement la radio sur son téléphone portable. La veille, il a voté « paisiblement », dit-il. Et comme tous les Sénégalais, il sait que le parti au pouvoir, Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité, NDLR), l’a emporté très largement. En attendant la proclamation des résultats officiels, il livre son souhait.

« Nous voulons une assemblée nationale cohérente et paisible, avec des débats constructifs pour le Sénégal et pour l’Afrique. Nous ne voulons pas d’une assemblée de guerre », dit-il avec espoir.

Dans la précédente législature, invectives et pugilats ont souvent fait irruption dans l’hémicycle. En janvier 2023, la justice sénégalaise avait condamné à six mois de prison ferme deux députés de l’opposition, Massata Samb et Mamadou Niang, pour « coups et blessures volontaires » contre leur collègue du pouvoir Amy Ndiaye lors d’une séance à l’Assemblée nationale le 1er décembre 2022.

À une centaine de mètres du kiosque, Mamadou Faye, maçon d’un âge avancé, l’air fatigué mais verbe déterminé, est assis sur un tabouret, casquette sur la tête. Il a voté à Colobane, vieux quartier populaire et commerçant situé à quelques encablures du centre-ville. Tout son espoir réside dans ce que la nouvelle Assemblée nationale pourrait faire pour apporter des « changements, surtout dans le secteur du BTP (bâtiments et travaux publics). » « Cela fait des années qu’on attend que les promesses deviennent réalité » dans ce secteur d’activité, souligne-t-il.

L’arrêt des opérations foncières sur le littoral dakarois et sur une partie de la Petite Côte a été une des premières mesures prises par les nouvelles autorités à leur arrivée au pouvoir. En mai 2024, le Premier ministre Ousmane Sonko avait mis en place une commission chargée « du contrôle et de la vérification des titres et occupations sur les anciennes et nouvelles dépendances du Domaine public maritime dans la région de Dakar ». La décision n’avait pas fait que des heureux.

Au moins deux générations séparent le vieux maçon Mamadou Faye du jeune Mamadou Diop. Ce dernier, par son habillement, affiche une attitude décontractée mais parle avec sérieux.

« Je n’ai pas voté », avoue-t-il sans complexe. « Mais j’ai confiance en eux, d’après leur programme. » Allusion aux nombreuses promesses projets déclinées par la tête de liste du parti Pastef lors des 21 jours de campagne électorale ayant précédé le scrutin du 17 novembre.

Dans le diagramme de répartition des électeurs par tranche d’âge publié par la Direction générale des élections (DGE) le 5 novembre 2024, les personnes de 18-25 ans et 26-35 ans constituent respectivement 11 % et 27 % des électeurs du fichier électoral.

À quelques pas, sur la même rue, Boubacar Dabo, la soixantaine, chemise ample et pantalon traditionnel, est assis près de la mosquée du rond-point de Liberté 6, le regard fixé sur son journal.

« Je n’ai pas voté. Pourquoi ? Parce que je ne fais pas confiance aux nouvelles autorités. Je crains pour l’avenir, surtout pour la jeunesse. Je les trouve violents, et je crains que cela mène à plus de violence et d’injustices », lâche-t-il, martial.

La tenue des élections législatives a été précédée par de violentes tensions politiques. Au moins 81 personnes ont été interpellées à Saint-Louis (nord) après des scènes de violence survenues entre listes concurrentes. Elles seront jugées en flagrant délit le 2 décembre 2024. En pleine campagne électorale, le Premier ministre Ousmane Sonko, tête de liste du parti au pouvoir, avait appelé ses partisans à la « vengeance » avant de se rétracter, suite au tollé suscité par ses propos au sein de l’opinion.

À rebours du pessimiste de Boubacar Dabo, un autre vieux de sa génération, assis à l’ombre d’un arbre, montre fièrement son doigt qui porte encore le rouge de l’encre indélébile qui prouve qu’on a voté.

« J’ai voté, vous en voyez la preuve. Je n’ai pas eu de difficultés. Mes attentes ? Que les gens se mettent au travail. Je suis à la retraite maintenant, mais les jeunes doivent travailler. »

Pour les électeurs qui ont voté pour donner une majorité confortable au parti au pouvoir, l’espoir se trouve dans l’initiative gouvernementale intitulée « Sénégal 2050 », dévoilée en octobre dernier par le Premier ministre Ousmane Sonko.

Dans ce plan, le gouvernement promet de renforcer la transparence, de développer les territoires, de promouvoir le capital humain et de stimuler l’économie.

Cependant, ce programme n’emporte pas l’adhésion de tous. « Des plans, on en a vu passer. Ce qui manque, c’est leur concrétisation », commente un des vieux présents sur les lieux, ajoutant son grain de sel à la conversation.

Pour les habitants de ce quartier de Dakar, au-delà du vote du 17 novembre, les attentes sont claires : des actions concrètes et visibles pour améliorer la vie quotidienne des populations en général et ouvrir de vraies perspectives d’emplois aux jeunes.

Un vendeur de sacs, qui passait par là, résume l’état d’esprit général : « nous voulons voir des projets aboutis, des routes construites, des emplois créés. Pas seulement des discours. »

À Liberté 6, les citoyens restent dans l’expectative ; la vie continue entre espoir, scepticisme et vigilance. « Les élections sont derrière nous, maintenant, il faut travailler », assène un octogénaire, l’encre indélébile encore visible sur un de ses doigts.

YB-MD /ts

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