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Sénégal : des lendemains incertains après l’annulation de la présidentielle 

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Ouestafnews – A quand la prochaine élection présidentielle au Sénégal après celle annulée du 25 février 2024 ? Macky Sall n’en dit pas mot. Il laisse le soin aux députés de sa majorité d’en décider alors qu’il est soupçonné de vouloir perdurer au pouvoir à la fin de son mandat le 2 avril prochain. L’opposition a déjà annoncé qu’elle ne le reconnaîtra plus comme président de la République après cette date.  

C’est un énième épisode du feuilleton démocratique sénégalais qui s’est ouvert le 3 février 2024 avec l’annulation par le président Macky Sall de l’élection présidentielle du 25 février prochain et son renvoi à une date non déterminée. 

Aussitôt après le discours du chef de l’Etat, 19 des 20 candidats retenus par le Conseil constitutionnel ont néanmoins décidé de poursuivre le processus électoral tel que ficelé par le ministère de l’Intérieur. A l’issue d’une « réunion d’urgence », ils ont clamé leur détermination à combattre « la forfaiture » en démarrant une campagne électorale conjointe ce 4 février à Dakar avant de la poursuivre à l’intérieur du pays, chacun selon sa programmation. 

Le premier ministre et candidat de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yaakaar (BBY) n’était pas à cette rencontre.

Le tollé général qui a accueilli la décision du président Sall vient encombrer un contexte politique et un environnement judiciaire en mode tension permanente depuis trois ans entre le pouvoir et l’opposition. Mais c’est la première fois dans l’histoire politique du Sénégal qu’un processus vers une élection présidentielle (le scrutin) est brutalement interrompu depuis 1963

Lire aussi : Sénégal : la présidentielle n’aura pas lieu le 25 février 2024

« En décidant unilatéralement de stopper subitement le processus électoral, sans aucune base légale, le président de la République vient de perpétrer un coup d’Etat constitutionnel », écrit le candidat Khalifa Sall sur son compte X. Le modéré ex-maire de Dakar appelle « à faire face à cette forfaiture » en dressant « des barricades contre la monarchisation » du pays pour « remettre la République à l’endroit. »

Pour Déthié Fall, qui intervenait à la réunion express des candidats à la défunte présidentielle, « cette décision unilatérale du président Macky Sall est une entorse insupportable contre la démocratie, les droits et les libertés » des citoyens sénégalais.

Suffisant pour que l’intellectuel et économiste sénégalais Felwine Sarr engage « les forces vives de la nation (à) s’organiser, agir et obtenir la restauration du calendrier républicain ». Selon lui, il faut rétablir « la possibilité donnée par la constitution au peuple d’exprimer sa volonté à une date fixée et connue d’avance. » 

L’une des questions soulevées par cette situation politique nouvelle réside dans la prorogation inévitable du mandat en cours du président sénégalais. Dans son discours du 3 février, Macky Sall n’a donné aucune indication concernant la date à laquelle sera organisé le scrutin de substitution, préférant s’en remettre à l’assemblée nationale. 

A ce propos, les supputations vont bon train sur la tentation présidentielle de prolonger le mandat en cours dans des proportions qui mettraient davantage entre parenthèses la vie démocratique au Sénégal.   

Sénégal- report de l’élection présidentielle : opposition et société civile protestent

« Le coup d’Etat : il crée le vide au plan juridique, politique et institutionnel. Seul à bord, face à bord, face à rien et sans contrainte ni limite dans le temps et dans l’espace », avertit sur son compte X l’avocat malien Mamadou Ismaïla Konaté, ancien ministre de la Justice entre juillet 2016 et novembre 2017. 

Avant l’acte d’annulation de la présidentielle, le mandat du président Sall devait prendre fin le 2 avril 2024, veille de la passation de pouvoir avec son successeur élu suivie de la prestation de serment de ce dernier le lendemain. C’est pour éviter cette vacance de pouvoir à compter du 2 avril que l’Assemblée nationale  examine à partir de ce 4 février la proposition de loi constitutionnelle qui permettrait de déroger aux dispositions de l’article 31 de la constitution. 

« Si la Présidence est vacante, par démission, empêchement définitif ou décès, le scrutin aura lieu dans les soixante jours au moins et quatre-vingt-dix jours au plus, après la constatation de la vacance par le Conseil constitutionnel », précise ledit article. 

La proposition de loi introduite par le Parti démocratique sénégalais (PDS), validée le 3 février par le Bureau de l’Assemblée nationale, vise « un report de l’élection présidentielle du 25 février 2024 à six mois. » La mesure sera débattue en séance plénière lundi 5 février. 

Lire aussi : Arrêter de jouer avec le feu (Editorial)

Pour le Dr. Mamadou Salif Sané, enseignant-chercheur en droit public à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, le précédent qui vient d’être créé par Macky Sall ramène « le troisième mandat sous une nouvelle forme. »

« Le report de l’élection présidentielle n’est ni de la compétence du chef de l’Etat ni de celle de l’Assemblée nationale. La raison est simple : il ne peut être juge et partie dans le processus électoral », explique cet expert électoral dans une tribune partagée dimanche sur les réseaux sociaux.Selon lui, « le Président n’est qu’un gardien politique dont les abus de pouvoir sont sanctionnés par un autre gardien appelé gardien juridictionnel : le Conseil constitutionnel ».

La plupart des candidats ont déjà annoncé leur intention de ne plus reconnaître Macky Sall comme président de la République à partir du 2 avril 2024. Entre-temps, les incertitudes se seraient déjà accumulées au-dessus de la démocratie sénégalaise. 

MD/fd


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