« Les profits réalisés par l’industrie du Tabac sont énormes parce qu’insuffisamment taxés et ses fonds sont réinvestis en grande partie dans la publicité », a indiqué Hanna Ross, spécialiste de l’économie du Tabac.
Selon elle, il est important pour les décideurs étatiques du continent d’agir sur deux leviers : tout d’abord « la faiblesse du prix qui met le tabac à disposition de toutes les bourses » et la taxation qui reste « extrêmement faible en Afrique contrairement au pays du nord comme en France où les fortes taxes ont fait reculer le cancer du poumon ces 20 dernières années ».
Les efforts consentis par les Etats du nord en matière de contrôle du tabagisme qui se traduisent par des législations de plus en contraignantes ont fait de l’Afrique le nouveau terrain de chasse des fabricants de cigarettes.
« Nous devons refuser la lâcheté qui consiste à se cacher derrière la pseudo-puissance de l’industrie du tabac, elle n’est pas plus forte que l’amour que nous avons pour nos peuples », a martelé le professeur Abdoul Aziz Kassé, cancérologue et militant anti-tabac au Sénégal.
Le tabac fait 6 millions de morts par an et 80 % des décès surviennent dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires, selon des chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Il s’agit d’une « boucherie qui n’aurait jamais été possible sans l’inaction des politiques », a ajouté le professeur Kassé qui a aussi appelé un « plan d’actions globale » impliquant la société civile, les gouvernements et les acteurs de l’information.
Ces acteurs s’exprimaient lors d’une rencontre marquant lancement de la version française de l’Atlas du Tabac, une initiative de l’American cancer society et le World Lung Foundation.
Ce document préoccupé par l’avancée du tabagisme dans le continent, note « qu’entre 1999 et 2009, la consommation de cigarettes a augmenté de 57 % en Afrique et au Moyen-Orient ».
« Le Mali, le Ghana, la Mozambique et la Zambie figurent parmi les pays ayant la plus forte hausse de production de tabac au cours de la dernière décennie », selon ce document remis à la presse.
« La taxation doit être une réalité et pour financer la couverture médicale universelle ici au Sénégal nous pouvons aller chercher l’argent au sein de l’industrie du tabac », a soutenu le ministre sénégalais de la Santé et de l’Action sociale Eva Marie Coll-Seck qui s’exprimait à la même occasion.
« Depuis 2002 date de publication du premier Atlas, le tabac a fait 50 millions de morts de plus et 43 milliards de cigarettes ont été fumées », a souligné pour sa part le le directeur des opérations de l’American Cancer society, Greg Bontrager.
En Afrique de l’ouest, le tabac reste un problème majeur de santé, et la législation reste encore balbutiante.
Au Sénégal qui abrite la base ouest africaine de Philip Morris, géant américain du tabac, les militants anti-tabac et des parlementaires s’agitent pour l’adoption d’une loi anti-tabac, jusque là en souffrance.
Au Togo, par contre les militants anti-tabac se sont félicités de la hausse de 5 % de la taxe imposée au fabricants, intervenue en 2012. La taxe y atteint désormais 40 %, mais reste toujours en deçà des 45 % fixé par l’Union économique et monétaire ouest africain.
Pourtant selon l’Alliance contre le tabac en Afrique (ACTA), les 40 % de taxes font du Togo un « modèle pour la sous-région » ouest africaine.